Lu en Mai 2020. 8/10
Tout le monde connaît Dom Juan en France. Tout le monde sait qu'un Dom Juan est un séducteur, un homme à femme, un volage. Mais qui sait que Dom Juan est bien avant ça un athée ?
Moi même, avant cette lecture je n'avais pas de souvenir de cet élément. Rien ne m'est revenu spécialement, je ne pense donc pas l'avoir étudié au cours de ma scolarité. Pourtant, c'est réellement le point central du récit. Du moins de la deuxième partie qui est une succession de scènes comiques empreintes de fantastique avec un ton résolument sérieux.
Cela prend le contre-pied du début de la pièce qui fait la part belle à la légèreté du héros et à l'ignorance de ses opposants. Ce début, qui n'est à mon goût pas très réussi car trop mou, pas spécialement drôle et sans réel idée de fond, semble pourtant avoir été l'essence de ce qui a forgé le mythe.
Pourtant, à partir de l'acte 3, le rythme s'intensifie. Un long dialogue entre Dom Juan et Sganarelle sur la médecine et la croyance pose les bases d'une nouvelle visée à venir. Un Dom Juan qui n'est manifestement pas un mauvais personnage, qui a beaucoup plus d'esprit que tous les autres et qui pourtant parle en hérétique. Quel audace a eu Molière de s'attaquer à la religion. Et le fait que Dom Juan ne soit pas vertueux et qu'il soit condamné à la fin semblait être la condition sine qua non à ce discours critique. Cette ambivalence entre un Sganarelle lâche mais pieu et un Dom Juan fidèle à ses convictions mais vicieux crée toute la profondeur de cette pièce.
N'oublions pas l'humour qui est présent par quelques traits d'esprits ou des situations tout fait grotesques voire absurdes.
En conclusion, cette œuvre a une portée résolument moderne. Des Dom Juan comme des Sganarelle existent à notre époque. Le Sganarelle moderne est insipide, arrondi les angles, se satisfait des conventions. Dom Juan est un anarchiste du bon goût, un visionnaire et un homme avec les pieds sur terre, un véritable scientiste avant l'heure.
On pardonnera facilement le début laborieux et l'épilogue expédié nécessaire pour éviter la censure et qui encadrent le cœur d'un récit extrêmement puissant.
« Sganarelle : Et n'y craignez vous rien, Monsieur, de la mort de ce commandeur que vous tuâtes il y a six mois ?
Dom Juan: Et pourquoi craindre ? Ne l'ai je pas bien tué ?
Sganarelle : Fort bien, le mieux du monde, et il aurait tort de se plaindre »
« Sganarelle : Mon maître est fourbe c'est l'épouseur du genre humain (il apercoit Dom Juan) Cela est faut ; et quiconque vous dira cela, vous devez lui dire qu'il a menti. Mon mâitre n'est point l'épouseur du genre humain et il n'est point fourbe »
« Dom Juan : Ce que crois c'est que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit »