Dom Juan
7.3
Dom Juan

livre de Molière (1665)

Conseillée par @alex_Tib, il fallait que je la lise ! Et ce que j'ai pu l'apprécier ! Sans nul doute l'une des meilleures pièces du dramaturge ! La pièce se lit avec aisance et plaisir !


Inspirée d'œuvres italiennes, Molière nous présente une pièce tragi-comique en V actes qui fonde sa force sur le personnage éponyme, Dom Juan. Celui-ci est bien évidemment un grand séducteur et provocateur, mais surtout un impie qui aime s'entendre blasphémer. En effet, violent avec le coeur des femmes, il l'est aussi avec la religion qu'il n'hésite pas à tourner en ridicule pour son propre intérêt et pour esquinter gratuitement la figure omnipotente du "Ciel". Pour enrichir le personnage si cruel de Dom Juan, la plupart des scènes nous présente notre protagoniste entouré de deux autres et de comment il fait pour que cela tourne progressivement à son avantage au sein de ce triangle.



DON JUAN, embarrassé, leur dit à toutes deux - Que voulez-vous que je dise ? Vous soutenez également toutes deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est, sans qu’il soit nécessaire que je m’explique davantage ? Pourquoi m’obliger là-dessus à des redites ? Celle à qui j’ai promis effectivement n’a-t-elle pas en elle-même de quoi se moquer des discours de l’autre, et doit-elle se mettre en peine, pourvu que j’accomplisse ma promesse ? Tous les discours n’avancent point les choses ; il faut faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n’est-ce rien que par là que je vous veux mettre d’accord, et l’on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (Bas à Mathurine.) Laissez-lui croire ce qu’elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-la se flatter dans son imagination. (Bas à Mathurine.) Je vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre. (Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J’ai un petit ordre à donner ; je viens vous trouver dans un quart d’heure.
CHARLOTTE, à Mathurine - Je suis celle qu’il aime, au moins.
MATHURINE - C’est moi qu’il épousera.



Mais le Ciel lui pardonnera-t-il ses injures à répétitions ?
Doté de riches scènes témoignant d'une perfide habilité des mots faite par le protagoniste notamment grâce à l'utilisation de l'ironie dramatique, Dom Juan a une construction intelligente qui même si elle s'essouffle dans l'Acte IV a la puissance d'allier le comique et le tragique avec la présence d'une statue mouvante et d'un spectre inquiétant.


Pour faire office de contre-balance comique, le personnage de Sganarelle, valet du protagoniste, est bien présent pouvant être à son tour provocateur à l'égard de son maître mais surtout un pusillanime irrésistiblement drôle. De même, certaines scènes comme celle avec Monsieur Dimanche au-delà de nous re-montrer la maitrise verbale de Dom Juan correspondent à une pause comique dont Molière a le secret.


Que ce soit par l'élégie émouvante de Done Elvire abandonnée par son odieux fiancé ou par les calembours de Sganarelle, la critique de l'hypocrisie écrite par Molière fait mouche pour le bonheur de notre rire et de notre surprise.



SGANARELLE - Je n'ai pas grande peine à le comprendre, moi ; et si tu connaissais le pèlerin, tu trouverais la chose assez facile pour lui. Je ne dis pas qu'il ait changé de sentiments pour Done Elvire, je n'en ai point de certitude encore : tu sais que, par son ordre, je partis avant lui, et depuis son arrivée il ne m'a point entretenu ; mais, par précaution, je t'apprends, inter nos, que tu vois en Dom Juan, mon maître, le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté, un enragé, un chien, un diable, un Turc, un hérétique, qui ne croit ni Ciel, ni Enfer, ni loup-garou, qui passe cette vie en véritable bête brute, en pourceau d'Epicure, en vrai Sardanapale, qui ferme l'oreille à toutes les remontrances chrétiennes qu'on lui peut faire, et traite de billevesées tout ce que nous croyons. Tu me dis qu'il a épousé ta maîtresse : crois qu'il aurait plus fait pour sa passion, et qu'avec elle il aurait encore épousé toi, son chien et son chat. Un mariage ne lui coûte rien à contracter ; il ne se sert point d'autres pièges pour attraper les belles, et c'est un épouseur à toutes mains. Dame, demoiselle, bourgeoise, paysanne, il ne trouve rien de trop chaud ni de trop froid pour lui ; et si je te disais le nom de toutes celles qu'il a épousées en divers lieux, ce serait un chapitre à durer jusques au soir. Tu demeures surpris et changes de couleur à ce discours ; ce n'est là qu'une ébauche du personnage, et pour en achever le portrait, il faudrait bien d'autres coups de pinceau. Suffit qu'il faut que le courroux du Ciel l'accable quelque jour ; qu'il me vaudrait bien mieux d'être au diable que d'être à lui, et qu'il me fait voir tant d'horreurs, que je souhaiterais qu'il fût déjà je ne sais où. Mais un grand seigneur méchant homme est une terrible chose ; il faut que je lui sois fidèle, en dépit que j'en aie : la crainte en moi fait l'office du zèle, bride mes sentiments, et me réduit d'applaudir bien souvent à ce que mon âme déteste. Le voilà qui vient se promener dans ce palais : séparons-nous. Écoute au moins : je t'ai fait cette confidence avec franchise, et cela m'est sorti un peu bien vite de la bouche ; mais s'il fallait qu'il en vînt quelque chose à ses oreilles, je dirais hautement que tu aurais menti.


Créée

le 13 févr. 2016

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Ikarovic

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