En 1988, Modiano tombe par hasard sur une petite annonce laconique dans les pages du journal Paris-Soir du 31 décembre 1941 : on recherche Dora Bruder, une jeune fille de 15 ans qui a fait une fugue et disparue depuis déjà deux semaines.
Cette annonce, point de départ du roman, est authentique et conduit l’auteur dans une enquête minutieuse et de longue haleine. Il fouille d’abord les registres de l’état civil pour faire connaissance avec son héroïne par contumace. Puis, d’administration en administration, c’est tout le parcours de cette famille juive sous l’Occupation nazie qui revit dans ces pages. L’étoile jaune que les juifs durent porter dès 1940, le pensionnat catholique où les parents de Dora Bruder cachèrent leur fille « oubliant » de la déclarer aux autorités recensant les juifs. Les contrôles d’identité, les dénonciations, les arrestations, les rafles, les couvre-feux qui se multipliaient dans le Paris occupé…
A travers Dora Bruder et sa famille, et à travers l’histoire de sa propre famille, Modiano décrit l’une des périodes les plus sombres de la capitale. Après avoir fait la connaissance des différents personnages – qui ne sont pas fictifs – le lecteur ne peut faire autrement que de prendre faits et causes pour eux. Ce qu’ils vivent, ressentent, le lecteur le vit et le ressent lui aussi. Nous ne sommes pas dans un documentaire sur des anonymes mais dans une histoire atroce (et réelle) vécu par des gens devenus intimes au fil des pages.
Dora Bruder est un roman d’une grande sobriété mais terrifiant. La plume de Modiano y excelle à faire revivre les rues de Paris en guerre, l’uniforme allemand à chaque coin de rue.
Superbe !