Un jeune Thaïlandais se met en tête de supprimer le tourisme sexuel de son pays, façon Dirty Harry – ce qui implique la suppression des maquereaux et des clients. Pas mal (dé)construit mais finalement assez décevant, Dragon joue sur les codes du thriller mâtiné de roman noir hard-boiled, la part d’anticipation y étant au bout du compte bien faible – superflue ou sous-exploitée, au choix du lecteur. (Tout comme la part d’anglicismes dans cette critique ?) Pourquoi placer Bangkok sous les eaux alors que de toute façon, il pleut ?… S’il s’agissait pour les Éditions du ’Bélial de fixer quelque chose comme un cahier des charges pour la collection « Une heure-lumière », était-ce utile ? Et s’il s’agit de mêler littératures de l’imaginaire et exigence littéraire, c’est raté : le travail sur la langue ne sort guère de l’ordinaire du genre.
Disons aussi que si Dragon paraît un bon récit quand on le lit, il finit par sembler assez faible quand on y repense. La figure du meurtrier, en pleine quête de rédemption, et dans une moindre mesure celle de l’enquêteur, auraient pu être plus approfondies et moins brutes : deux ou trois évocations de bains de sang dans un récit ne suffiront jamais à faire la psychologie d’un personnage – je ne parle pas nécessairement d’établir un portrait moral en bonne et due forme, mais de proposer des réflexions plus fouillées que celles, plutôt convenues, qui constituent le passé des personnages. Ou alors on pouvait en faire un Anton Chigurh – ou un Dirty Harry, justement – mais notre Dragon est encore de faible envergure… Quant à l’évocation de la Thaïlande, « Touristes. Touristes. Touristes. Gros célibataires qui exsudent la misère sexuelle par tous les pores de leur peau, couples avec enfants, ici ?, jeunes backpackers, tongs, bermuda, t-shirt à la con, dreadlocks. » (chap. 4, p. 31), pour réussie qu’elle soit grâce à son caractère lapidaire, elle donne l’impression d’être un passage obligé.
Pour terminer sur ce qu’on pourrait appeler la révélation finale, ou le dénouement, elle surprend finalement assez peu, à moins de n’avoir jamais lu de récit à chute réussi.