De Marion Fayolle, l’on connaissait jusqu’ici surtout les dessins, dans la presse et dans ses bandes dessinées récompensées au festival d’Angoulême. Son premier roman révèle un vrai bonheur de plume et un auteur aussi doué avec les mots qu’avec le crayon pour nous saisir de ses mémorables images.


Ce sont les souvenirs d’enfance, lorsque la jeune Marion n’avait de hâte que de quitter l’étroit logement familial de la vallée d’Eyrieux, en Ardèche, pour rejoindre, là-haut, la ferme et les « bêtes » de « pépé » et « mémé », qui nourrissent cette histoire, une ode à la ruralité et à une époque révolue, quand les générations cohabitaient dans une existence tout entière organisée autour des animaux. « Ici, on fait toute sa vie sous la même toiture, on naît dans le lit de gauche, on meurt dans celui de droite et entre-temps, on s’occupe des bêtes à l’étable. » Certainement pas paradisiaque mais hérité du fond des âges, l’immuable quotidien est simple, souvent rude. Les tempéraments aussi, volontiers taiseux mais débordant d’une humanité généreuse et directe, à l’image de la mémé donnant à l’orphelin engagé sur la ferme, « en un seul repas, tout l'amour qu'il n'a jamais eu, comme pour corriger l'injustice. »


A sa façon simple et directe elle aussi, en une économie de traits si justement et joliment croqués qu’ils en dessinent des silhouettes saisissantes de vie et de vérité, la narration qui, centrée sur des noms génériques – la mémé, l’oncle, la gamine, le gosse, les anciens… – prend un caractère universel en semblant parler de tout le monde, raconte les liens entre les générations, le rapport au temps, au paysage et aux bêtes, tout un mode de vie rattrapé par la mort et la modernité jusqu’à disparaître progressivement. Déjà différente de ceux restés là-haut à demeure, l’enfant palote à l’appétit d’oiseau, à la constitution trop frêle et à l’imagination poétique a beau sentir ce terroir couler dans ses veines, elle n’en quittera pas moins ces lieux et ces racines, à la recherche d’un nouvel équilibre dont les ellipses du récit laissent mélancoliquement deviner les manques et les fêlures.


Une bien jolie révélation que cette nouvelle plume si naturellement chantournée qu’elle ne manquera pas de mener bien des lecteurs au coup de coeur.


https://leslecturesdecannetille.blogspot.com

Cannetille
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 17 févr. 2024

Critique lue 73 fois

2 j'aime

5 commentaires

Cannetille

Écrit par

Critique lue 73 fois

2
5

D'autres avis sur Du même bois

Du même bois
Philou33
8

Une belle tranche de vie…

Un Grand Merci à Yves Montmartin – que j’appelle désormais "Mon Martin" – pour m’avoir fait découvrir ce petit livre grâce à sa chronique à la fois poétique et mystérieuse :...

le 12 févr. 2024

3 j'aime

6

Du même bois
feursy
10

Critique de Du même bois par Yves MONTMARTIN

Marion, permettez-moi de vous écrire ces quelques lignes pour vous remercier des moments de bonheur que vous m’avez offerts. Votre roman ne comporte que peu de pages, c’est mon seul regret. Mais...

le 24 janv. 2024

3 j'aime

2

Du même bois
Cannetille
9

Très jolie révélation

De Marion Fayolle, l’on connaissait jusqu’ici surtout les dessins, dans la presse et dans ses bandes dessinées récompensées au festival d’Angoulême. Son premier roman révèle un vrai bonheur de plume...

le 17 févr. 2024

2 j'aime

5

Du même critique

Veiller sur elle
Cannetille
9

Magnifique ode à la liberté sur fond d'Italie fasciste

En 1986, un vieil homme agonise dans une abbaye italienne. Il n’a jamais prononcé ses vœux, pourtant c’est là qu’il a vécu les quarante dernières années de sa vie, cloîtré pour rester auprès d’elle :...

le 14 sept. 2023

19 j'aime

6

Le Mage du Kremlin
Cannetille
10

Une lecture fascinante

Lui-même ancien conseiller de Matteo Renzi, l’auteur d’essais politiques Giuliano da Empoli ressent une telle fascination pour Vladimir Sourkov, « le Raspoutine de Poutine », pendant vingt ans...

le 7 sept. 2022

18 j'aime

4

Tout le bleu du ciel
Cannetille
6

Un concentré d'émotions addictif

Emile n’est pas encore trentenaire, mais, atteint d’un Alzheimer précoce, il n’a plus que deux ans à vivre. Préférant fuir l’hôpital et l’étouffante sollicitude des siens, il décide de partir à...

le 20 mai 2020

17 j'aime

7