Je savais que j'aimais beaucoup les idées de Pasolini, mais je ne savais pas à quel point avant de lire ses Ecrits Corsaires. Non seulement Pasolini est d'une clairvoyance rare, mais en plus on peut l'appliquer encore aujourd'hui quasiment sans changer une seule ligne. Par contre je ne suis pas familier de la politique italienne, donc forcément je n'ai pas tout suivi et je ne sais pas forcément à qui ou à quoi il peut parfois faire référence.
Cependant, je me retrouve tout à fait dans sa démarche de fustiger le libéralisme et tout ce qui en découle, plus que le fascisme à proprement parler. Il le dit très bien, cette nouvelle doctrine détruit tout avec les médias de masse (et on peut rajouter internet de nos jours), on va jusqu'à perdre l'identité nationale, locale... là où le fascisme demandait juste une adhésion de principe, si tu dis "oui oui" on te fiche la paix.
Il dénonce l'urbanisation intensive et dégueulasse, notamment dans la ville d'Ispahan en Iran et il a totalement raison. Cette ville est magnifique, elle a un bazar, une place, des mosquées qui sont à tomber par terre, réellement impressionnantes, et à côté on a juste des tours, des logements moches... on ne crée plus rien qui soit fondamentalement beau et on noie ce qui est porteur d'histoire dans la "modernité".
Il démasque aussi les anti-fascistes, qui ne sont pour lui totalement interchangeables avec les fascistes. C'est le genre d'affirmations qui sont non seulement sensées, mais qui font du bien et les anti-fascistes feraient bien de lire ses écrits... Alors on le traiterait sans doute d'immonde réactionnaire, reste que Pasolini mène un combat (ou des combats) bien plus important qu'eux, qu'il a d'ailleurs peut-être, sans doute, qui sait ?, payé de sa vie.
Ce qu'il y a de fabuleux dans ce bouquin c'est cette capacité à être toujours pertinent tout en allant contre la doxa, il est incisif et sait taper là où ça fait mal. Dénoncer les cheveux longs qui deviennent le signe d'être de droite, dénoncer l'avortement avec un point de vue, notamment par rapport au sexe et à l'homosexualité que je n'avais jamais entendu.
Et c'est cette pertinence à toute épreuve qui fait de ces écrits corsaires une œuvre à lire par tous, surtout par ceux qui se revendiquent comme étant des gens de bien, parce qu'ils en prennent pour leur grade.