Pas besoin de connaître ce cinéaste sulfureux qu'est Pasolini pour apprécier ce recueil de tribunes, parues pour la plupart dans des journaux italiens au cours des années 1970.
Pasolini démystifie ici la légende de l'antifascisme, qui sert selon lui à dissimuler le fascisme véritable, celui de la société de consommation qui conduit à la destruction des valeurs et des identités populaires et qui coule tous les individus selon le seul modèle bourgeois. Un processus d'acculturation que l'auteur explique et démonte formidablement bien, non sans mélancolie, à travers sa très belle et convaincante métaphore de la "disparition des lucioles" (avant, pendant, et après)
Et comme il est strictement impossible de soupçonner l'auteur d'être réactionnaire (connu pour ses penchants scandaleux) ou nationaliste (il est issu de l'ultra-gauche italienne), son analyse est d'autant plus brillante, et surtout étonnement d'actualité. A travers moult exemples et sujets de société, c'est le gauchisme libertaire qui en prend pour son grade, de même que la religion de la tolérance (une fausse tolérance, souhaitée par le haut et non conquise par le bas, comme l'explique très bien l'auteur).
Il en résulte un ouvrage qui n'aurait besoin que de bien peu de mises à jour pour être entièrement pertinent à l'égard de notre société contemporaine... dommage simplement que certains faits commentés appartiennent entièrement au contexte historique de l'époque, ce qui ferme un peu les angles de réflexion et demande surtout au lecteur de se documenter pour extraire tout le génie et la subversion contenus dans le propos de Pasolini.