Verlaine acide-amer-amour à Rimbaud acidulé-adulé

Avant de débuter mon ascension sur cet ouvrage, je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'une critique à proprement parler, mais, pour être plus juste, plutôt d'un essai sur un essai.


Paris. Septembre 1871.


Rencontre décisive entre deux poètes. Paul Verlaine, l'homme à l'apparence bien rangée. Arthur Rimbaud, incarnant l'adolescence espiègle mais par ailleurs désabusée. Mon but ici n'est pas de retracer leur histoire mais d'aller au-delà des faits. De tirer de ces présents essais et poèmes, l'essence même de l'écriture de P.V et ce qui s'en découle. C'est mon voyage que je vais raconter. Mon interprétation des mots. L'idée que je me fais de ces deux hommes, au travers de la plume de Verlaine qui, je peux l'affirmer ici, est excellente.


Verlaine à travers mes yeux : Je dois avouer, pour commencer, que sa façon d'écrire me tue quelque peu. Elle me tue parce que trop, beaucoup trop fascinante. Et je ne parle pas de son irrévocable aisance et de son talent inné pour les mots qui certes voltigent sur les pages comme un vol d'hirondelles dans des cieux sans vent. (Toute cette métaphore pour illustrer le caractère presque irritable de ses plumes de génie) Sa plume, non. Ses plumes, bien plus vrai ! Fascinée alors, par son ambivalence. Il jongle avec ses multiples états psychiques, à la limite de la schizophrénie et qu'importe le chemin qu'il prend, qu'importe l'humeur de son âme, cela n'altère jamais la force de son écriture. Ses textes, essais, poèmes, ont tous une empreinte différente, une saveur toujours plus délicate ou à contrario plus démoniaque que les autres. C'est cela qui me tue ! C'est en cela que je l'admire ! Il peut se rendre agréable et léger. Attendez un instant, et vous percevrez un torrent de haine dissimulé dans la douceur.


J'aime sa nonchalance. Sa provocation polie.
Je considère qu'il écrit parfois pour des sombres idiots qui ne savent pas lire entre les lignes. Que cela lui arrive même, de s'adresser à eux avec un dédain tout particulier. Tant pis pour les ignares donc et tant mieux pour les clairvoyants ! Cela lui est égal d'être compris ou incompris tant qu'il peut déverser ses flots. Ses flots d'amour. De tristesse. De haine rageuse, désastreuse. De pitié inconsolable. Je dirais même, qu'il parvient à insulter d'une grâce subtile et intelligemment brodée. Il ne cache pourtant jamais le fond de sa pensée, ni ne la déguise. Il rend simplement tout aimable. Il fait du beau avec tout. Il nous donne toutes les vérités, que ce soit dans ses mots, dans ses sauts de lignes, dans ses espaces et encore une fois le génie se révèle !


Comment Verlaine adule l'acidulé Rimbaud : Dans ses essais, il n'est question que d'une chose ici : la défense de Rimbaud. Ce ne sont pas des essais criant son amour. Il crie son adoration, son admiration avec une verve ardente, brûlante, violente pour l'homme et l'artiste qu'était A.R. Mort trop jeune en tant qu'artiste. Mort trop jeune en tant qu'homme. Mais qui a vécu avec exactitude, la vie qu'il voulait vivre. Alors bien qu'en deuil, Verlaine tend à nous exprimer son respect et ses mémoires de cet amour perdu. Il lui rend hommage. Se veut rédempteur. Couche sur papier une image de Rimbaud qu'il veut rétablie. Réclamant justice et reconnaissance pour l'homme, et l'artiste, qui est mort en étant incompris de tous. Il tient à nous offrir une vision honnête en rendant compte de ses dualités mais en nous implorant de l'aimer tel quel. Comme il l'a lui-même aimé. Une entière acceptation. Tout aimer. Ne rien désaimer. Aimer dans la vérité pure. Car c'est cela que d'aimer, finalement. Nous voilà alors plongés dans les folies passagères du jeune Rimbaud, dans ses excentricités et ses démences allègres, que P.V considère simplement comme un témoignage du caractère exceptionnel du poète. Précoce génie enfermé dans sa douce vésanie. Dans une lugubre frénésie. De sa vivacité au bord de l'absurdité, il entraîne tout sur son sillage. Un être sans fin. Baigné de toutes les lumières avec le pouvoir de toutes les éteindre selon les ordres de son âme. Verlaine lui voue une admiration sans faille aucune, charmé par la véracité de ses mots et de toutes ses horrifications dans lesquelles il y voit (je le vois de même) de la beauté. Beauté innocente et plus encore, monstrueuse. Un ange, un monstre, un diable. L'Ange, LE Monstre, LE Diable, car pas n'importe lequel. Lui, Rimbaud, dans toutes ses figures de la plus chaste à la plus vilaine. C'est ainsi ! Rimbaud ce lycanthrope, cet anthropomorphe sauvage et vif, ardent, ce doux visage ! Ennemi de la littérature bourgeoise. Qui ne savait pas l'aimer, ne comprenait rien. Qui cherchait à le déchiffrer, ne comprenait pas davantage. Je cite un vers de Verlaine : "Vous ne comprenez rien aux choses, bonnes gens." Quels idiots. Et toi, Rimbaud...


Verlaine a été ma seule ivresse, ce soir. Je n'ai eu besoin que de ses mots pour me stimuler et pour sombrer dans une extase lyrique. Verlaine est mon absinthe ! L'ultime pouvoir de ses plumes et mon cœur qui suinte !


Pour finir, P.V:
"Mon pauvre cœur bave à la quoi, bave à la merde ! "


(Quelques titres de poèmes de Verlaine que j'affectionne particulièrement : Crimen Amoris, Ultissima Verba, Autre explication, Laeti et errabundi, A Arthur Rimbaud)

meggysawyer
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le 23 nov. 2020

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