La critique n’est pas infondée, mais elle est, selon moi, injuste.
Il faut voir dans ce livre le compte rendu d’un procès historique, dont les problématiques soulevées a travers les lignes n’est que le reflet des divers arguments soulevés au cours du procès.
On peut reprocher à Arendt d’avoir surélevé le rôle des conseils juifs dans le processus bureaucratique d’extermination, mais elle relève uniquement des faits, en les extrapolant un peu, il est vrai.
Ce compte rendu du procès est parfait, et surtout très bien documenté, alors même qu’elle s’en lamentait dans son post-scriptum, ce qui rend la lecture du livre très agréable.
Avant les critiques, la banalité du mal n’avait d’importance que sa place comme sous-titre dans le livre. Ce n’est pas l’objet principal du livre, et on a l’intuition que si Arendt avait voulu développer dessus, elle aurait pu y consacrer un ouvrage entier.
Cette notion de banalité du mal qu’elle apporte vient compléter ses avancées sur le totalitarisme (desindividualisation inhérente à la bureaucratie totalitaire) et sur les conditions de l’homme moderne.
Pour comprendre cette banalité, qui n’est que la finalité de cette analyse, il faut sans aucun doute avoir lu Condition de l’homme moderne, en ce sens que la banalité du mal est le contrepoint de l’héroïsme (un héros courageux qui parle de ses exploits) tant Eichmann ne parle pas, et complote en secret.