Voilà un bouquin facile à vendre. Si je vous dis "rencontre du troisième type" mais au XIVeme siècle en pleine époque médiévale...là normalement, si vous êtes un tant soit peu addict à la SF, j'ai déjà toute votre attention.....
...Eifelheim décrit donc la rencontre des habitants d'un petit bourg germanique avec des "petits hommes gris" (je ne vous spoil pas leur apparence) il y a presque 700 ans. Une sorte de "Nom de la Rose" en monde premier contact, avec pour toile de fond la grande peste de 1348. Premier point positif : l'auteur a su retranscrire l'ambiance de l'époque sans tomber dans les clichés habituels. Un petit parfum de reconstitution historique qui ajoute au charme de la narration. Son autre point fort est la manière dont l'altérité est ici traité: paradoxalement, la science et la technologie des aliens sont plus intelligibles pour nous car plus proches de nos concepts modernes que ne l'est la pensée médiévale, pre-lumière et donc totalement absconse pour des humains du début du XXIème siècle. Or, l'histoire est présenté selon le point de vue d'un prêtre -le père Dietrich- et le lecteur devra constamment traduire sa compréhension des phénomènes dont il est témoins en des termes qui nous sont plus familiers. Car jamais il ne sera fait mention de vaisseau spatial, d'hyperespace, de systeme solaire ou autre tropes de la SF, des concepts qu'un homme du XIVème siècle ne peut pas appréhender de la même façon. Le récit va ainsi s'articuler autour de l'opposition entre ces deux "mondes", entre messe en latin et mystère UFOlogique, entre St Thomas d'Aquin et physique quantique...
Si en dépit de ses originalités Eifelheim emprunte au final des rails scenaristiques assez classiques, tout cela reste plutôt plaisant à suivre. Il y a cependant un "mais" et c'est forcement très subjectif mais voilà, oui, Michael Flynn, l'auteur, de formation scientifique, est lui même catholique revendiqué et cela se ressent. Bien sûr les nombreuses considerations théologiques du Père Dietrich collent à l'époque dépeinte où le sacré avait plus de place que le profane. Cet aspect là renforce l'immersion historique, pas de souci. Cependant pour moi qui ne supporte guère les bondieuseries c'est plus embêtant quand la voix de l'auteur se fait entendre dans le sous-texte du roman : quelques passages un peu trop cuculs pour les athées farouches dans mon genre, ainsi que plusieurs remarques étranges et un peu dérageantes sur l'inquisition et le système feodale, tout les deux un peu idealisés(!!) en mode "c'etait pas si mal contrairement à ce qu'on dit" , très "puy-du-fou-approved" (j'ai bien cru que phillipe de villiers avait rajouté ces paragraphes dans le texte à l'insu de l'ecrivain!). Alors je vous le dis de suite, j'aurai pas tenu sur la durée si j'avais eu l'impression de trainer du côté des tradi cathos bien à droite....heureusement le pèpère pas trop pervers Dietrich est très ouvert d'esprit, aussi bien sur la morale, les moeurs que la science - Michael Flynn est scientifique avant tout! ouf!!!- et ses convictions pourrait plutôt indigner la plupart des plus extremistes de nos lapin cretiens, cretins, euh chretiens....donc on va dire que ce catholisoft plus progressiste passe plus facilement dans mon gosier..
J'allais oublier! Quelques chapitres se passent à notre époque. Je sais que beaucoup ont trouvé ces passages superflus, mais je trouve au contraire qu'ils offrent un contre-point interessant à l'histoire principale. Il ne s'agit que de quelques chapitres, donc rien qui parasite reellement la narration principale, au contraire. Et elle permet un final que j'ai trouvé sympathique, à defaut d'être inattendu.
Eifelheim n'est donc pas le chef d'oeuvre annoncé, mais c'est une lecture suffisamment distrayante et differentes en dépit de ses faiblesses pour que je le recommande à ceux qui ont envie de sortir un peu des sentiers battus de la SF, même si, tout comme moi, vous êtes un indecrottable mécreant qui ira droit en enfer, que vous veniez de la terre...ou d'ailleurs!!!!