J'ai dû le lire pour le lycée (rappel à moi-même : faire une liste des livres que j'ai lus pour les cours) et, contrairement à ceux que mon professeur appelle les "auteurs Père-Lachaise" qui, en général, ont des sujets qui touchent d'une façon uniquement lointaine notre actualité, Eldorado de Gaudé, dont j'avais déjà feuilleté Cris toujours pour les cours, tape en plein dans le mille des actualités.
L'histoire à double parole de Salvatore Piracci et de Soleiman, deux hommes que tout semble opposer (contexte géographique, âge, raisons des migrations ...) mais qui, au final, sont dans la même quête : celle d'un Eldorado que l'on ne peut toucher que du bout des doigts.
L'écriture est simple, belle. Mon style durassien et moi avons préféré la partie narrée par Soleiman et ses phrases courtes presque poétiques, mais l'avantage de la partie au narrateur omniscient de Piracci, c'est son intrigue haletante et ses personnages attachants, même si (à mon grand regret), on n'en sait que très peu à leur propos (Angelo??). Si je me doutais bien que les deux histoires allaient finir par se recouper à un certain moment de l'histoire, je ne suis pas déçue de la façon dont Piracci et Soleiman se rencontrent, car elle évoque tant de choses et est si symbolique qu'elle ne peut être prévisible.
Le thème est évidemment bien (trop) actuel, et il est plus que judicieux de faire lire ce livre à des élèves lycéens, qui plus est dans ce monde qui semble laisser les migrants de côté, tout en montrant à la fois la course à l'Eldorado d'un coté de la Méditerranée mais aussi les effets et conséquences psychologiques de ces gens qui ont "le sale boulot", celui de renvoyer chez eux des milliers de paires d'yeux qui les dévisagent, assoiffés d'Europe et fuyant un pays qui, s'il n'est pas encore à feu et à sang au moment de l'écriture, l'est aujourd'hui.
La fin est très touchante et j'ai (forcément) lâché ma petite larme, mais ce n'est pas un livre qui fait pleurer dans les chaumières : non, il laisse un beau message, notamment sur la relation entre Boubakar et Soleiman, qui montre que dans ce monde de brutes, la fraternité existe encore, et que le Piracci sans attaches aucune à Catane est finalement devenu, aux yeux d'un inconnu en quête d'un nouveau monde, le dieu Massambalo et le gardien de l'esprit de Jamal.