Le Retour du Jedi (ou du Marchombre)
Au moment où j'écris ses lignes, ce tome est 67ème dans le top Senscritique. J'avoue avoir bien du mal à comprendre pourquoi ... Après la trilogie L'Autre et sa qualité plus que discutable, Pierre Bottero revient en Gwendalavir (mais en était-il déjà parti ?) pour offrir un prequel à un de ses personnages préféré des deux trilogies d'Ewilan, je veux bien entendu parler de la Marchombre Ellana. Alors déjà, on peut discuter ce choix. Dans un premier temps, je trouvais ça un peu énervant d'encore prendre une héroine qui semble forte, indépendante, romantique,animalement belle, femme et guerrière à la fois et en plus, totalement parfaite de manière générale. Pourtant, Pierre Bottero souhaitait développer Gwendalavir, et peut être a-t-il eu la clairvoyance de comprendre qu'il fallait passer par un regard que l'on connait déjà un peu pour mieux percevoir ce monde. Ceci était une bonne idée en ce sens. Pour le personnage même, c'était clairement celle qui en avait le plus à raconter sur son passé. Seul Edwin aurait pût vivre plus d'expérience, malheureusement, je pense qu'en étant le guerrier parfait, en ayant vécu de manière intransigeante pendant plusieurs décennies, son histoire n'aurait pas eu autant d'intérêt que celle d'Ellana.
Le Pacte des Marchombres tome 1 nous offre donc de découvrir l'enfance d'Ellana et ses premiers pas sur la voie des marchombres. Nous découvrons aussi des subtilités qu'on ignorait à propos de ce monde, la vie des paysans, des marchants et de Gwendalvir quelques années avant le retour des Ts'Lichs. Nous apprenons également l'existence des Petits, sorte de fusion entre les Ents et les Hobbits. Donc, en terme de découverte de l'univers, c'est véritablement une bonne chose. Le scénario est également intéressant, dynamique et va nous permettre de voir différents points de vue. Ellana comme une fille de la forêt, comme une enfant qui découvre la ville, comme une pionnière, puis, enfin, comme une marchombre.
Et c'est là que le bas blesse, Bottero modifie totalement ce qu'il avait laissé croire sur les marchombres dans les premiers tomes de son œuvre. Ils passent du statut de voleur à celui de jedi, et ils doivent se battre contre les mercenaires du chaos comme contre une menace Sith. Je vous jure, c'est totalement ça ! Bottero est fan de Star Wars, on le sait, mais là, c'est peut être un peu voyant.
Bref, à partir de là, l'histoire perd de son goût, la cohérence se baisse aussi tant les marchombres, même apprentis semble sur-humains. Encore une fois, Pierre Bottero n'a aucune retenu et il exagère toujours. Tellement qu'on perd tout repaire pour juger les capacités ou non d'un personnage ou le danger que celui-ci court dans telle ou telle situation. Notons également quelques incohérences de logiques qui pousse Bottero a en faire, toujours trop en faire (notamment vis à vis d'Ellundril Chariakin ou du Rentaï).
La notion de liberté est également ici mise à part. La liberté c'est juste pouvoir se battre et escalader ici. C'est pouvoir aller où on veut il semble. Inutile de dire que c'est bon pour faire rêver quelqu'un de naif mais pas de réfléchi. Les marchombres n'ont aucune réflexion profonde sur la liberté (comme Pierre Bottero au final). Peut on être libre si on ne vit pas heureux ? Etre capable de trouver son propre bonheur, à porter de sa main, n'est ce pas ça la liberté ? La solitude du Marchombre le rend il heureux ? Bref, la liberté semble être un bien qui n'est pas forcément enviable tant elle pourrait apporter souffrance dans ce monde des marchombres et tant un manque total de réflexion sur soi-même est criant dans cette guilde.
Est ce que je dois aussi mentionner que plus que les efforts, c'est une capacité de base qui semble être à l'origine du pouvoir des marchombres ? N'est ce pas là encore profondément injuste ? On me dira que ça vient de l'entrainement, mais vu la mise en place de cela, on ne le voit guère. Ellana semble avoir un don pour l'art du marchombre, bien qu'Ewilan pour l'art du dessin.
En plus d'incohérence et d'éléments qui font perte la logique interne de l'ensemble de Gwendalavir, Pierre Bottero réalise deux grands changements dans cette œuvre. Le premier m'a beaucoup plus : c'est la grande présence de la mort, au début du moins. Bien qu'il y ait toujours eut des combats, la mort n'a jamais été aussi mise en avant, aussi révélée pour ce qu'elle est : horrible. Cela offre une touche de réalisme des plus touchantes à cette oeuvre.
Le second changement est l'évolution du style Bottero, qui ici fait un véritable "bond", mais pas dans le bon sens à mon goût. En effet, il tente de gagner en poésie et fluidité (tel les marchombres). A mon sens, il perd en cohérence, en talent de narration. Sa poésie est aseptisé, naïve, sans goût et sans saveur.
Ces éléments, ces détails qui baissent la qualité de l'oeuvre et la puissance empathique fait qu'Ellana m'apparaît comme une trilogie qui a un potentiel bien plus faible que celles d'Ewilan. Ne perdons cependant pas espoirs, les premiers tomes de Pierre Bottero ont toujours été les moins bons (enfin, excepté l'Autre).