Une critique pour _Emmanuelle_, est-ce bien nécessaire? Après tout, pensez-vous, n'est-ce pas un livre à lire d'une seule main (voire à aucune, si on place intelligemment son lutrin)?
Pas pantoute. Les passages à se... À s'ébaubir frénétiquement devant les prouesses tonkino-brouettesques (quoique ça se passe en Thaïlande, pas au Viêt Nam) ne constituent que la moitié de l'ouvrage.
Elles ne sont que l'illustration par la pratique (et quelle pratique) d'une sorte de théorie philosophique assaisonnée d'un vocabulaire au raffinemment pénible (faut pousser le lutrin pour chercher les mots dans le dictionnaire), et résumée par la devise «tout temps passé à autre chose qu'à jouir entre des bras toujours plus nombreux est perte de temps»: Emmanuelle a été choisie par un type qui se présente comme son instructeur (cet abruti ne l'honore jamais. Il a une préférence marquée mais pas exclusive pour les mecs. Bien la peine.) pour mener le monde à son nouvel âge, celui dédié à l'Érotisme.
C'est-à-dire l'aéro-envoi joyeux dans tous les coins avec plein de monde, le plus souvent possible. Mais c'est dit beaucoup, beaucoup mieux (et aussi beaucoup, beaucoup plus longuement) dans le roman. Emmanuelle est une élue (le tome deux s'intitule _L'anti-vierge_). Et dans le beau monde qu'elle fréquente (il paraît qu'il y a une certaine part autobiographique dans le roman) il n'est pas bien difficile de mettre la théorie à l'usage: c'est là qu'on a droit aux descriptions savantes, ô combien, de combinatoires terriblement élaborées – et vice et versa (on n'est pas dans _Martine s'essaye au candaulisme_ ici). Avec, dans les mélanges de corps (majeurs et doués de langage humain, soit dit en passant), aucune violence, aucune contrainte, aucune situation sordide, aucun racisme (sauf social?), juste du plaisir librement consenti.
En somme c'est plutôt sympatique et au final on apprend plein de mots nouveaux.