La vie devant soi
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le 21 juin 2017
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En attendant Bojangles c’est l’histoire d’une famille hors normes. Entre Mademoiselle Superfétatoire, la grue de Numidie, ramenée d’Afrique, qui se promène en liberté dans l’appartement, les fêtes organisées par les parents à toute heure du jour ou de la nuit, la mère qui change de prénom tous les jours, il n’y a rien de bien « normal » dans cette famille. Mais c’est exactement ça qui fait la beauté du roman, c’est l’histoire d’un amour fou, d’un mari (et d’un père) prêt à tout pour rendre sa femme heureuse, prêt à l’accompagner dans sa folie, amoureux de ses extravagances, et faisant de la folie une normalité comme les autres. L’amour fou, c’est aussi celui que porte le fils à sa mère, admiratif de tous ses gestes, buvant toutes ses paroles.
C’est un roman qui est un peu compliqué à résumer, et la tentation est très grande (pour moi) d’en dire plus, mais je me contiens, parce que j’aimerais que vous viviez la même expérience de lecture que moi. La voix du père et celle du fils se croisent dans ce roman : tous deux évoquent et racontent leur quotidien, un quotidien qui ne tourne qu’autour de la figure centrale et solaire qu’est la mère. D’un côté on a le récit du fils, qui fait de l’absurde et de la folie quelque chose de normal, la vérité n’est pas détenue par les adultes comme sa maîtresse, mais par sa mère. Pour lui, il est normal de voir ses parents boire du champagne dès le matin, et il ne souffre pas de cette éducation qualifiée de légère et d’inconsciente par les autres adultes. De l’autre côté, on a le journal du père, qui donne à la vérité toute sa puissance. Il apporte de la rationalité au récit de son fils, il nous donne un autre éclairage sur la folie de sa femme. On sent qu’il aime, follement, sa femme, il l’aime toute entière, il l’a épousée, elle, et sa folie. Jamais il ne regarde sa femme avec des yeux de médecins, jamais il ne la regarde « négativement ». Sa folie n’est jamais considérée comme un fardeau, un défaut, quelque chose qu’il faudrait effacer et faire disparaître.
Les journaux du père, tout comme le récit du fils, ne font apparaître qu’une seule chose : l’amour. Et même lorsque l’on sent que tout commence à basculer, que la fête devient plus triste, jamais ils ne renoncent à cet idéal. Ils sont tous deux prêts à tout pour permettre à la femme de leur vie d’être heureuse, et le regard des autres, ils s’en fichent.
J’ai trouvé l’écriture magnifique. Non seulement parce que ça m’a un peu rappelé L’Écume des jours de Boris Vian, mais également parce qu’elle est extrêmement joyeuse. Certes, parfois cette joie se fait mélancolie, mais l’écriture porte toujours en elle la trace de l’amour que chaque être de cette famille se porte. Lire En attendant Bojangles avec un regard critique et rationnel serait une énorme erreur. Il faut se laisser porter par l’écriture, il faut s’y immerger et ne jamais chercher à tout ramener à « notre » réalité. Ce roman, c’est l’histoire d’un amour tendre et fou que se portent trois individus, et c’est comme ça qu’il faut le lire.
C’est pour moi, l’un des plus beaux romans de 2016. J’ai pleuré en le lisant, j’ai ri, j’ai eu peur, et j’ai été en colère. Mais j’ai aussi été totalement absorbée par l’écriture, qui m’a réellement bercée. En refermant le livre, j’ai eu l’impression d’abandonner une partie de moi, j’ai eu l’impression de me fermer un monde. Et je crois que c’est ça qui fait que c’est un grand livre. J’aurais pu vous dire, très rationnellement, que ce roman parle de la folie d’une façon douce, et qu’il ne s’agit pas d’une approche psychiatrique, mais d’un regard chargé d’amour, mais cela serait ramener un roman follement beau dans une réalité tristement rationnelle.
(critique originalement postée sur mon blog)
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le 12 mars 2016
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