En finir avec l'écriture de soi
On peut dire que ça commençait mal, j'avais peur qu'on nous refasse le coup de l'autobiographie à 21 ans avec la mère en pleine puissance (le rejet, l'amour mal masqué) et le dégoût du passé... Mais, finalement, même si c'est ça, il y a une certaine ambiance qui se créer, et ce regard dur, abrupt sur soi-même, sa différence et le milieu duquel on vient, contre lequel on se bat, s'apercevant qu'il suffisait juste de parvenir à trouver sa place ...
Attendons avant de crier au génie, que la plume d'Edouard Louis s'affûte sur d'autres sujets que lui-même, bien qu'il ait déjà su admirablement croquer son milieu fait de violence, de virilité, et surtout de détresse. Une France démolie par la pauvreté et comme abandonnée à son propre sort, figée, apeurée par l'autre. Cet autre qui finit par fuir. Et ces êtres, qu'Edouard Louis semblait avoir catalogués dès le début, finissent (presque) par devenir touchants malgré eux (le père surtout, dans la voiture). C'est parce qu'ils deviennent aussi des personnages de roman, empêtrés dans un lieu dont ils ne pensent pas pouvoir sortir, mais qu'ils sont finalement soulagés et heureux de voir un autre quitter, pour avoir la fierté d'en être les parents. Même si la souffrance dans l'enfance a persisté bien longtemps, (elle apparaît dès les premières lignes).
Il faut littéralement "en finir", comme le dit ce titre si bien trouvé (parce qu'accrocheur), et rire de soi, pour qu'enfin, à l'image de la citation en début de livre "Pour la première fois mon nom prononcé ne me nomme pas" (Marguerite Duras), le soi devienne quelqu'un, loin de la dévastatrice violence aussi verbale que physique... La case où Eddy était enfermé est rompue. Advienne que pourra, quels que soient ceux ou celles qui finiront pas créer le désir véritable et pur d'Eddy. Si l'autre est un enfer, c'est souvent une question de point de vue et rien que d'un milieu à l'autre, il suffit d'un regard pour tout changer. Et les bourreaux d'autrefois, se lèveront alors pour (l')applaudir.