Endiablade
6.4
Endiablade

livre de Mikhaïl Boulgakov (1924)

[Il n'y a aucun rapport entre le titre de cet avis, et le contenu de la nouvelle de Boulgakov. Je me trouvais juste à court de mauvais jeux de mots. Et quand je suis sec, je contrepète.]

"Endiablade", fait partie d'un cycle de trois récits, écrits au tout début du régime communiste, entre 1924 et 1926. Satires du système, elles affermirent la réputation de leur auteur, en même temps qu'elles lui valurent les inquisitions du Guépéou. Ces nouvelles marquent un tournant, pour ne pas dire un virage en tête d'épingle dans l'œuvre du natif de Kiev, dans la mesure où le ton en est clairement fantastique, à l'inverse de ses premières productions, où se mêle une forte fragrance autobiographique.

Ici, point de suspense, la fin est clairement annoncée dès le sous-titre. Korotkov, anonyme fonctionnaire au Spimat, le bureau des allumettes, est débarqué de son poste du jour au lendemain, pour un malheureux imbri ... imbrol ... imbroglio entre le nom de son nouveau supérieur, Kalsoner, et les caleçons de l'armée. Commence pour lui une quête destructrice et vaine.

Boulgakov fait montre d'une réelle maîtrise de son style, même si les premières pages peuvent dérouter ses plus fervents adeptes. Le style en est très froid, bureaucratique, à l'image de la société qu'il dépeint. Il conserve pourtant toute sa fougue et sa malice dans les portraits (celui de Kalsoner mérite à ce titre le détour). Passée la première moitié, on retrouve par contre toutes les envolées farfelues (tu permets que j'interrompe ton avis ? J'aime beaucoup le mot "farfelu", et je regrette beaucoup qu'il soit tombé un petit peu en désuétude, remplacé par l'horrible et insignifiant "décalé". Mais je peste, je peste, et je t'empêche de continuer. Merci de la tribune), très drôles qui font son charme. On rit souvent, on sourit la plupart du temps. Il y a presque du vaudeville dans cette nouvelle. On retrouve le motif de l'appartement communautaire, un mariage ar(dé ?)rangé. Et aussi, discordance par rapport au nouvelles du recueil "J'ai tué", les ellipses sont totalement absentes.

C'est surtout l'occasion pour le divin Mikhail de nous montrer l'impossibilité de l'individu à s'épanouir, coincé entre formulaires et petits chefs, et le sort fatal qui l'attend. Les décisions des supérieurs ont valeur d'oukases. Sur quelles fondations stables bâtir sa vie, lorsque son bureau peut être totalement remanié du jour au lendemain, sans préavis ? Notons aussi le rappel de la Guerre Civile, et de ses privations : les travailleurs du Spimat sont payés en allumettes ...

Aliénation de l'individu au pouvoir totalitaire qui se met en place, et chronique de la vie moscovite au début des années 20, ce récit d'une folie tragique détone un peu dans la collection des ouvrages de Boulgakov, mais pour le mieux. On retiendra les belles envolées (au propre comme au figuré) des dernières pages, même si l'utilisation à outrance d'un vocabulaire bureaucratique peut surprendre et chagriner de prime abord.
Pedro_Kantor
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le 6 mai 2011

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Pedro_Kantor

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