Dans Memento, un chef d'œuvre du 7ème art et l'un des meilleurs films à suspens que j'aie vu, le héros, incarné par Guy Pearce, est un détective privé qui souffre d'amnésie antérétrograde : il se souvient parfaitement de tout ce qu'il a mémorisé depuis l'évènement qui a provoqué son amnésie mais pour tous les évènements postérieurs, il oublie chaque matin ce qui s'est passé la veille. Alors pour ne pas oublier les choses importantes, il se les tatoue sur le corps et chaque matin, il se contemple longuement dans la glace pour reconstituer son histoire.

Le détective, héros et narrateur de l'enquête sur la disparition d'Emilie Brunet souffre du même mal mais au lieu de se tatouer le corps, il choisit de relater dans un journal les évènements de la veille. Donc chaque matin, il découvre l'enquête qu'il mêne en relisant un journal chaque jour un peu plus épais, chaque jour un peu plus long à lire. Si long qu'il décide au bout d'un moment de raturer les passages inutiles, puis, un peu plus tard, de censurer puis de corriger d'autres passages. Car notre enquêteur partage son journal avec le meurtrier présumé d'Emilie Brunet, son propre mari. Ce qu'on lit c'est donc le journal final, raturé, amendé, corrigé et probablement modifier par le narrateur qui en est également le héros. L'aventure se déroule à un rythme très cool, qui rappelle les polars de Durrenmatt (je me demande d'ailleurs si çà ne se passe pas en Suisse). Aucune scène trash, nulle effusion d'hémoglobine, un gentil petit polar légèrement désuet.

Affliger son enquêteur d'une amnésie antérétrograde est une perspective assez réjouissante, qui peut donner lieu à retournements, manipulations et autres jarnac. C'est ainsi que Memento était conçu, mais malheureusement, Bello a fait un autre choix, un choix où on reconnaît bien l'auteur des Falsificateurs. Car comme dans ce roman qui l'a rendu célèbre, Bello multiplie les digressions et lance un gadget scénaristique qui va rapidement prendre le pas sur l'histoire principal : l'enquêteur est un fan d'Agatha Christie, il ramène toutes les rencontres, toutes les situations aux aventures d'Hercule Poirot. Il amène son correspondant (l'assassin présumé) à les lire et rapidement leur correspondance ne parle plus que de cette œuvre. Alors certes c'est intéressant, mais ce n'est pas le sujet du livre et on a rapidement l'impression d'avoir été trompé sur la marchandise...une impression que l'épilogue en forme de pirouette ne fait que confirmer.

Alors oui, c'est un roman facile à lire et plaisamment construit, mais qui, à vouloir multiplier les genres et les sujets n'en traite finalement aucun.
rivax
5
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Epistolaire

Créée

le 4 juil. 2012

Critique lue 310 fois

1 j'aime

rivax

Écrit par

Critique lue 310 fois

1

D'autres avis sur Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet

Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet
Parkko
7

Une réflexion méta sur le genre policier. Intéressant

Attention, ma critique contient des spoilers Ce livre est un homme au genre policier, et globalement c'est un hommage réussi. On navigue toujours entre Agatha Christie (principalement), Hitchock ou...

le 10 sept. 2017

1 j'aime

Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet
Sergent_Pepper
6

Critique de Enquête sur la disparition d'Émilie Brunet par Sergent_Pepper

Longuet et un peu décevant sur la fin dans son incapacité à trancher, le début est passionnant dans la réflexion qu'il propose sur la mise en abyme et le rapport du lecteur au roman policier.

le 28 juil. 2013

1 j'aime

Du même critique

La Perle
rivax
10

la vie c'est comme une boite de chocolats

Une novela. Une fable morale sur la fatalité et la misère. Naître pauvre et être condamné à le rester. Entrevoir la fortune par l'entremise d'une perle géante pêchée par hasard. Rêver de s'élever et...

le 17 avr. 2012

20 j'aime

3

Lost in Translation
rivax
3

branlette intello

Je me suis fait chier deux fois : quand je l'ai vu au cinéma et quand je l'ai revu quelques années plus tard en DVD. Pourquoi l'avoir revu? et bien, c'est le flot de commentaires dithyrambiques de...

le 21 mars 2011

16 j'aime

3

Les Fourmis
rivax
4

Critique de Les Fourmis par rivax

Il y a trois histoires concomitantes dans ce premier roman de la longue saga sur les fournis. L'histoire d'une poignée de fourmis qui cherchent à percer les secrets d'une arme puissante et imparable...

le 12 janv. 2011

16 j'aime

1