Je connais Jean Teulé depuis "gens de France" , récit de voyage avec photos et textes retouchés. Je ne me souviens pas des détails l'ayant lu il y a 30 ans dans la célèbre revue de BD "A Suivre", mais Teulé m'avait plu et marqué par son humour et le sens de l'observation de ses contemporains. J'ai toujours voulu lire ses nombreux romans sans jamais faire le pas, puis j'ai acheté celui-là, le dernier.
Roman historique, décrivant avant tout la famine épouvantable de 1518 à Strasbourg et ses conséquences sur l'esprit de ses habitants, l'auteur déroule dans un style personnel et sûr, en suivant une dizaine de personnages, l'étrange mal qui atteint comme épidémie les désespérés de la vie.Ceux-ci se mettent à danser non stop jusqu'à ce que mort s'ensuive.
L'histoire oppose le clergé et son évêque, à coté de qui un parrain de la mafia serait plus proche d'un enfant de coeur, au "Ammeister", maire élu démocratiquement (pour l'époque), auquel on découvre un début d'humanisme. Les deux protagonistes symbolisent le changement d'ère, la fin du moyen âge et le début de la renaissance.
On a de la peine à imaginer la vie en ce temps là. Misère, ignorance, peurs, douleurs. Aujourd'hui le Bangladesh est un pays de cocagne à coté de l'Alsace du début du XVIème.
L'écrivain digresse et introduit de temps en temps une expression plutôt moderne.
Il décrit sans détours. Le rendu est allégé et créé une distanciation saine.
L'action patine dans le ventre de l'histoire, nonobstant la brièveté de l'oeuvre. Pourtant Teulé conclut brillamment. Strasbourg sort du moyen âge et s'apprête à vivre un siècle de guerre de religions. Quel bonheur !