Entre parodie de roman d'aventure et pastiche de roman d'espionnage, Envoyée spéciale nous offre une intrigue échevelée, incroyablement imaginative et drôle. Echenoz met en scène toute une galerie de personnages loufoques et paumés, soulignant leur médiocrité en décrivant leur quotidien sordide. Tout le sel du roman tient à l'inventivité de l'auteur, qui ne s'interdit rien, et au rythme effréné du récit. La narration passe sans transition d'une scène à l'autre, d'un personnage à l'autre; le lecteur voyage de Paris à Pyongyang, de la Creuse au Zimbabwe: il ne sait plus où donner de la tête. Tous les personnages deviennent acteurs sans le savoir d'une comédie orchestrée par un dramaturge fou.
Il y a une certaine forme de prouesse littéraire dans cette bousculade des genres, dans cette distorsion permanente de l'intrigue, le tout étant porté par un style remarquable et plein d'humour. En cela, ce roman vaut vraiment le détour.
Cependant, je trouve qu'il manque toujours quelque chose dans les romans d'Echenoz. Au fond, ses personnages sont des pantins, des leurres qu'il agite brillamment au-dessus du vide. Que cherche-t-il à nous montrer? La vacuité de nos existences? L'absurdité de l'organisation du monde? Mystère!
Conclusion, sur le plan littéraire, ce livre est fabuleux, mais sur le plan humain (ou intellectuel, je ne sais pas comment appeler cette capacité qu'ont certains livres de nous élever), sur le plan humain, donc, néant.