Le christianisme face aux pouvoirs
Cette brève épître nous plonge dans les débats et polémiques qui agitaient les cercles chrétiens récemment constitués. Paul n'hésite pas à conseiller d'exclure les « sectaires » après deux avertissements. Les chrétiens, et spécialement les évêques, comme Tite, doivent avoir une conduite socialement irréprochable, et agir avec douceur.
Les règles de conduite répétées ici par Paul semblent bien conservatrices : les chrétiens doivent être soumis aux pouvoirs en place, les femmes doivent être soumises aux hommes, et les esclaves à leurs maîtres. Ainsi structure-t-on deux mille ans de hiérarchies. Si bien que le message du Christ, qui s'affirmait à l'origine message de liberté (vis-à-vis de la Loi juive), a été récupéré par les autorités comme un argument pour justifier les inégalités et les oppressions. L'aller-retour entre la Parole enseignée (qui affirme la liberté théorique) et l'oppression vécue au quotidien est un itinéraire que les catéchistes de tous niveaux ont emprunté pendant longtemps, avant que sourdent de nouveaux sentiments de révolte (Les Lumières) qui risqueront de balayer le christianisme en même temps que ceux qui l'ont employé afin de pérenniser leur pouvoir abusif.
On relève ici un proverbe sur la « sagesse des Nations », qui serait bien réprimé aujourd'hui pour motif de xénophobie : « Crétois, toujours menteurs, méchantes bêtes, cœurs blasés. Ce témoignage est vrai. » (I, 12-13). Dites donc des choses semblables aujourd'hui à propos des Africains, des Juifs ou des Arabes, et vous goûterez aux joies durables du bagne, à moins qu'on ne vous ait lynché auparavant. Les formes de tyrannie postchrétiennes se sont installées, et elles attendent leurs Voltaires, puis leur Emile Combes.
Le chapitre 3 réaffirme la valeur relative des « œuvres » pour s'assurer le salut, alors que c'est la « miséricorde » de Dieu et la grâce de l'Esprit Saint qui garantissent la vie éternelle avec Jésus. C'est une nouvelle affirmation de la primauté des vertus du cœur, mais c'est la porte ouvert aux Réformateurs de la Renaissance, voire à Tartuffe et Dom Juan. En effet, les œuvres sont manifestes, mais le cœur, moins évident, peut ouvrir la porte à toutes les simulations et les hypocrisies. La grâce de Dieu a cet inconvénient de pouvoir apparaître comme une loterie inintelligible, dont on peut toujours chercher à justifier les tirages après coup.