Espionnes
Espionnes

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Ah ! Les espionnes… Hollywood a nourri notre imaginaire de femmes fatales, aguicheuses, sensuelles et ensorcelantes qui se glissent, en toute innocence, entre les draps d’hommes naïfs pour obtenir, sur l’oreiller, tout ce qui peut satisfaire la curiosité étrangère… Et dire que pendant trente années j’ai ébauché des plans de missiles nucléaires très "dissuasifs" … Et n’ai jamais été contacté par une quelconque Mata Hari… C’est très vexant 😊 ! Plaisanterie, bien sûr, bien trop petit poisson pour intéresser quelque mystérieuse "requine", ce qui me permet de bientôt souffler quatre-vingt-cinq bougies…

C’est ma femme qui a été alléchée par la présentation de ce livre à la Télé, sans doute par Marie-Laure Buisson elle-même, et, emportée par son imagination romanesque, m’a demandé de le lui procurer. Je soupçonne qu’elle s’imaginait déjà au bras de quelque séduisant James Bond bronzé et athlétique, plongée dans des aventures fabuleuses… Il semblerait que la réalité soit quelque peu différente…

Quant à l’auteure du livre, il ne m’est pas possible de faire sa bio en deux lignes, même en condensant, voyez vous-même :

Marie-Laure BUISSON est née à Paris en 1967, avocat d’affaires, elle travaille au Parlement Européen puis, devenue « Déléguée Générale Adjointe » de la Fondation Véolia en janvier 2004, elle voyage pendant 7 ans à travers tous les continents, dans des milieux parfois hostiles. Intéressée par les enjeux de Défense, elle suit le cursus de l’Institut des Hautes Études de la Défense Nationale. Faite Colonelle de la Réserve Citoyenne de l’Armée de l’Air, elle est par la suite choisie pour siéger en tant que « personnalité qualifiée » au sein de la Fondation « Armée de l’Air » présidée par le Chef d’Etat-Major de l’Armée de l’Air. Investie par choix, dès 2011, dans le monde de la Légion étrangère, elle est faite « Légionnaire de 1ère Classe à titre honoraire » en 2015, et en avril 2019, elle a eu l’honneur d’être faite « marraine » du 4ème Régiment étranger. Depuis 2018, elle se consacre à sa FondationFondation Marie-Laure BUISSON ») en faveur des blessés de guerre et des minorités opprimées, qui se sont battues aux côtés de la France dans des conflits récents. Enfin, elle est Chevalier de l'Ordre National de la Légion d'Honneur. Et, si vous me le permettez, j’ajouterais qu’elle est particulièrement belle, ce qui ne gâche rien !...

Pas étonnant qu’avec un tel pédigrée elle ait souhaité, dans ses deux ouvrages (Femmes combattantes, 2022 et Espionnes, 2024) « mettre à l'honneur de nombreuses femmes combattantes qui se sont illustrées dans notre Histoire, qu'elles aient eu les armes à la main ou qu'elles aient servi en appui des troupes au front. […] Elles sont trop nombreuses à avoir été oubliées. »


Tout commence avec Ursula Kuczynski, allemande, juive et marxiste (tout pour plaire). Elle s’éloigne, dès 1930, de la montée du fascisme d’un certain Adolph Hitler, en s’installant avec son mari à Shanghai où elle entre en relation avec un agent de Moscou chargé de mettre en place un réseau d’espionnage. Il deviendra vite son amant – et instructeur – et elle sera Sonya, désormais, et une source d’informations qu’elle poursuivra depuis l’Italie, la Mandchourie, la Suisse, l’Angleterre… Résultats : « Le 29 août 1949, les soviétiques testent leur première bombe atomique dans le désert du Kazakhstan avec quatre ans d’avance sur les prédictions de la CIA. » Et, le 23 janvier 1950 un savant allemand de haut vol, Klaus Fuchs, en poste en Angleterre, est arrêté et interrogé par le MI5, accusé d’avoir transmis des secrets atomiques aux Soviétiques (Par l’intermédiaire de qui ? Je vous le donne en mille…).

Maintenant nous faisons la connaissance de Sylvia Rafael, jeune Sud-Africaine. Bien que non juive (sa mère est protestante), elle est fascinée par les traditions hébraïques transmises par son père, Juif traditionaliste originaire de Kiev. Et c’est en apprenant la barbarie nazie qu’elle a ressenti le désir de participer à la construction du jeune État d’Israël. Du kibboutz à l’école des agents du Mossad, il n’y a qu’un pas. Puis viendra la guerre ouverte entre Sylvia – sous couverture de photographe de presse – et Ali Salameh, le chef du groupe Septembre noir et bras droit de Yasser Arafat, en lutte pour la libération de la Palestine. Une guerre jamais finie…

Dommage, la mayonnaise avait tendance à prendre, on y croyait, puis est arrivé le chapitre Kim Hyun-hee (espionne Nord-Coréenne) et les outrances répétées contre la Corée du Nord qui, certes, est une dictature personnelle reconnue et extravagante mais les répétitions sans fin des excès du régimes deviennent vite un "pilonnage" assez vulgaire qui suggère une intention de propagande anti-Nord-coréenne systématique. Et, à force de vouloir donner de l’épaisseur aux personnages, advient l’erreur (un détail insignifiant, sans doute) qui jette le discrédit sur ce qui apparait soudain comme une fable, qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est inventé ? : dans la description d’une épreuve de l’élève espionne, Kim Hyun-hee est surprise par un membre de l’équipe d’instruction : « Touchée par le visage juvénile de l’espionne, la fausse ambassadrice promet qu’elle ne dira rien (p.146) », puis quelques lignes plus loin : « Elle transpire abondamment sous sa cagoule noire qui laisse apparaître ses yeux affolés. » Cagoule, ou pas cagoule ? Et le reste du livre, réalité ou fiction ? Le doute s’est installé, on n’y croit plus tellement !

Et maintenant, voici Amaryllis ! Un joli nom de fleur (il semble même que ce soit le sien…) pour une jolie espionne de la CIA ! C’est parce qu’à seize ans, son professeur lui a demandé de rédiger une bio de quatre pages sur une parfaite inconnue, « Aung San Suu Kyi », qu’elle est devenue agent de la CIA ! Ah !

Vous avez oublié Aung San Machin ? Allons donc… Je vais rafraichir votre lanterne (Google vient de me réveiller. Bien sûr que je me souviens, je la trouvais même bien jolie !) : Aung Truc est née à Rangoun en 1945, en 1988 elle devient Présidente de la Ligue nationale pour la démocratie en Birmanie (LND), c’est une figure de l’opposition non violente à la dictature militaire de son pays. Elle reçoit le Prix Nobel de la Paix en 1991. Et donc, c’est l’exemple de ce "petit bout de bonne femme" qui a persuadé Amaryllis qu’elle pouvait faire quelque chose contre le terrorisme (qui avait tué une amie d’enfance dans un attentat aérien).

Je vous laisse découvrir comment elle empêche les terroristes d’acquérir des armes de destruction massive. Ce que j’ai retenu (Cf. Statut) c’est l’utilisation du dossier "Brouillons" d’une boîte mails, comme boîte aux lettres, pour transmettre des messages, sans les envoyer, à un destinataire qui connait l’adresse et le code d’accès. C’est tellement simple et évident… et pas de risque d’interception puisque les messages ne sont pas transmis mais restent inertes à l’abri d’une adresse et d’un code, comme dans une cache.

Des six photos que j’ai sous les yeux ( https://www.marie-laure-buisson.fr/ ), c’est celle de Justine (dont les yeux sont barrés d’un rectangle noir) qui laisse deviner le plus d’innocence et de fraîcheur (à mon sens), mais à la lecture de ses exploits au sein de la DGSI à la poursuite des terroristes islamistes, elle n’a pas froid aux yeux la petite ! Et justement, c’est cet air de fraîche innocence qui en fait l’un des agents les plus importants du service. On ne se méfie pas.

Qui plus est, pour les missions en territoire islamiste « où la mentalité locale ne les imagine pas autrement qu’en citoyenne de second plan, sous tutelle, « incapable » au sens juridique du terme. "Lorsqu’on est sous-estimée, on peut se mouvoir sans être remarquée et se déplacer avec moins de surveillance à ses trousses." »

Et pour finir (les portraits, pas le combat !) voici Christine, la jolie blonde de la DGSE (-SI : Sécurité Intérieure, -SE : Sécurité Extérieure) ou comment s’approprier les talents d’un génie en pilotage de missiles qu’il est préférable d’avoir dans sa manche plutôt que dans le camp adverse…


Et James Bond dans tout ça ?

Ne vous y fiez pas, messieurs, si on parle plus des hommes (agents secrets) que des femmes, c’est tout simplement parce qu’ils sont moins bons ! Par définition, un bon agent secret doit rester SECRET ! Si dans le TOP 10 on ne connait que deux ou trois espionnes, c’est parce que les hommes se sont fait repérer.

On l’a vu, nous sommes tellement imbus de notre supériorité de mâle que nous négligeons les capacités de ces dames. Elles peuvent ainsi agir sans être soupçonnées. Mais à y regarder de plus près « On leur attribue plus de qualités qu’aux hommes : meilleure compréhension d’analyse du territoire et des situations, l’« intuition féminine », moins d’égo que les hommes, elles sont "plus sérieuses que les hommes en opération, beaucoup plus courageuses et capables de trouver de manière improvisée des solutions à des situations imprévues." »


En conclusion : un livre passionnant qui laisse entrevoir un univers « secret », c’est-à-dire un univers "parallèle" où les règles sont différentes : Là on informe, ici on manipule. D’un côté la vie n’a pas de prix, ici, elle n’en a aucun. On n’y tue pas, on neutralise. Et pourtant « "Intrépides", "audacieuses", "patriotes", "endoctrinées", "inconscientes", on ne sait quel adjectif employer pour qualifier les six espionnes dont vous avez découvert les portraits dans ce livre. » Ainsi que toutes celles restées dans l’ombre de leur mission où elles excellent.


P.S. : En couverture, photo de Sylvia Raphael

Philou33
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le 3 févr. 2025

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Philou33

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