La méthode est révolutionnaire d'efficacité. L'analyse est irréprochable. Les faits sont justes. Tout ceci n'est pas à juger et là n'est pas la question, aucun de nous n'étant assez sociologue ou anthropologue pour juger la qualité de travail et de recherche de Mauss. La difficulté réside ailleurs. J'en veux pour arguments trois points :
- L'Essai sur le don est difficile à lire. Et cela peut s'expliquer par minimum un unique point : les notes de bas de page. Il n'y aurait rien à dire si lesdites notes explicatives venaient d'une édition présentée et annotée, or ce n'est pas le cas (quoique, introduction de Claude Lévi-Strauss, mais bon vous voyez où je veux en venir), elles sont bel et bien de Marcel Mauss. Et il y en a trop, beaucoup trop, au point de parfois occuper cinq sixième de la page. Il s'agit là d'un moyen de résumer les différents travaux des références bibliographiques de l'auteur, mais par le fait même que ces propos ne sont pas directement liés au texte, on n'arrive plus à suivre l'Essai sur le don. On en viendrait à se demander ce que l'on doit lire entre le texte source et les notes de bas de page. En résumé, l'un prend le pas sur l'autre, on perd le fil de l'argumentation et on la suit à grand'peine. Il n'y a qu'à en faire abstraction me direz-vous, je vous rétorquerai que c'est difficile, quand on veut s'impliquer à fond dans un texte. En particulier quand il fait l'objet d'une étude universitaire.
- Le titre peut parfois prêter à confusion. Rappellons tout d'abord le sous-titre de cet essai : Forme et raison de l'échange dans les sociétés archaïques. Or les "sociétés archaïques" susmentionnées sont en fait les sociétés dites "primitives", qui ne sont pas, a contrario des premières, des sociétés antiques, mais contemporaines et considérées comme insuffisamment civilisées. Et à quelles sociétés s'intéresse Marcel Mauss ? Les différentes ethnies polynésiennes, ou encore les tribus amérindiennes du Nord-Ouest américain. Qui sont encore des sociétés contemporaines de l'époque de Mauss. Certes, les coutumes rapportées par Mauss se rapprochent parfois des coutumes antiques, mais cela demeure contradictoire avec le sous-titre de l'oeuvre, et on peut parfois chercher le lien avec difficulté.
- La conclusion morale de Mauss n'est pas recevable. peut-être ai-je perdu le fil à un moment de l'argumentation, mais se forcer (oui oui, il est clairement dit "obligatoirement") à donner librement sous le simple prétexte que "d'un bout à l'autre de l'évolution humaine, il n'y a pas deux sagesses" et qu'"on ne risque pas de se tromper" a des accents doucereusement fallacieux.
Bref un essai sociologique/anthropologique discutable sur sa conclusion morale, à lire si vif intérêt sur la question traitée.