Quelle belle petite merveille que cette Rivière du sixième jour, qui verra son adaptation au cinéma fleurir sous le nom de Et au milieu coule une rivière. Un roman autobiographique qui raconte la relation entre Norman Maclean, le narrateur et son frère, Paul Maclean. Au détour de parties de pêche à la mouche endiablées entre les deux inséparables frangins, le lecteur s'attache irrémédiablement à cet amour authentique et pudique et partage leurs nombreuses différences qui les séparent comme les rapprochent.
A ton avis, comment se fait-il que les gens qui réclament tout le temps qu'on les aide aillent plutôt mieux quand on ne les aide pas ? Ou en tout cas, pas plus mal. Oui, c'est ça, pas plus mal. Ils prennent toute l'aide qu'on leur donne et ils se retrouvent au même point qu'avant.
L'histoire suit un rythme paisible, calme et rassurant, comme cette rivière légendaire grâce à laquelle ils se retrouvent pour vivre leur passion ensemble, parfois trop impétueuse pour être tout à fait apprivoisée. Ils se vouent une admiration certaine, se montrent rarement leurs sentiments, et trouvent dans la pêche à la mouche une raison d'être qui leur paraît vitale et qui les lie symboliquement. Derrière certaines scènes du livre qui peuvent paraître rébarbatives se cachent un joyau brut, celui de l'amour fraternel, celui qui refuse les grandes envolées et se cache dans les petits détails. Norman Maclean, à la fin de sa vie, dresse les derniers instants de son frère, parti trop tôt, avec qui il aura partagé une symbiose inexplicable mêlée, souvent à son grand regret, d'une impuissance qui, on le sent, lui aura laissé un regret palpable. La force du livre réside dans la sagesse des propos du narrateur et dans la délicatesse des sentiments évoqués. C'est une oeuvre belle, non sans longueurs mais magnifiquement incarnée. Ces mots seront les derniers, je me permets de les partager avec vous :
A la fin, toutes les choses viennent se fondre en une seule, et au milieu coule une rivière. La rivière a creusé son lit au moment du grand déluge, elle recouvre les rochers d'un élan surgi de l'origine des temps. Sur certains des rochers, il y a la trace laissée par les gouttes d'une pluie immémoriale. Sous les rochers, il y a les paroles, parfois les paroles sont l'émanation des rochers eux-mêmes.
Je suis hanté par les eaux.
Je ne peux que vous conseiller La rivière du sixième jour, tranche de vie qui accorde toujours beaucoup de bienveillance aux souvenirs et dans laquelle, j'en suis sûr, vous vous identifierez souvent, que ce soit pour le livre en entier ou pour les quelques dizaines de dernières pages, entre les deux frères et le père, absolument incroyables.