Il s'agit ici du roman d'Yves Gibeau – à ne surtout pas confondre avec quoi que ce soit du film de Guédiguian …
Oui, c'est même le deuxième roman d'Yves Gibeau, publié en 1950 après un premier roman, malheureusement introuvable, "Le grand Monôme" et juste avant son roman phare "Allons z'enfants" …
D'ailleurs ce dernier ainsi que "Et la vie continue" sont des romans où Yves Gibeau s'inspire de sa propre vie.
"Allons z'enfants", c'est sa vie d'enfant de troupe jusqu'à son incorporation en 1939.
En 1940, il est fait prisonnier et ira passer deux ans en Prusse orientale.
Il est libéré et rapatrié fin 1941 : c'est à partir de là que démarre "Et la fête continue" qui est un roman écrit à la première personne.
Stéphane, le narrateur, décrit l'expérience de galère du retour du prisonnier qui s'essaie un peu au journalisme à Paris avec un article "les captifs" qui déplait à la Censure allemande. Il fuit et se réfugie alors en zone libre à Marseille où là, il fait un peu tous les métiers, tombe de galère en galère avec un seul objectif gagner les quelques centaines de francs nécessaires pour aller se taper un sandwich chez Tortoni. Il s'essaie au marché noir, aux combines foireuses (fausses cartes alimentaires, …), serveur dans un bordel. Il tâte même du maquereautage. Mais voilà, truand, c'est un métier qui s'apprend et qui nécessite certaines qualités qui ne sont pas innées. Et quand on est bêtement honnête, le métier de truand devient vite le métier de pigeon.
Le roman est le roman d'un loser. Je ne sais pas dans quelle mesure Gibeau a chargé ou non la barque. Ce n'est pas l'important sinon qu'il fallait quand même que l'aventure soit suffisamment corsée pour intéresser le lecteur.
Non, ce qui est beaucoup plus important, en particulier pour moi qui apprécie beaucoup cet auteur, ce sont les détails en filigrane. En particulier sa relation avec ses parents qui vivent dans l'Aisne et qui l'ont plus ou moins renié. Et c'est un vrai point commun avec "Allons z'enfants" qui y sera beaucoup plus développé puisqu'il s'agit de son enfance.
Son père, ancien sous-off de la guerre de 14-18, ancien du Tonkin, ancien de Tataouine et autres colonies, a toujours considéré son fils comme un raté dont l'avenir est d'ores et déjà tracé : finir au bagne. Et tous les évènements concernant le fils Yves pendant la guerre de 39-40 ne font que confirmer son opinion. Pas foutu de décrocher la moindre breloque. Pas foutu de se faire (glorieusement) tuer au lieu de devenir (honteusement) prisonnier.
Au-delà de ça, c'est un roman attachant où Stéphane traverse sa vie de galère dans un Marseille louche, la faim vissée au corps avec la volonté de rester digne et l'espoir que tout peut s'arranger.