L'exact opposé du film de Verhoeven
Décidément, je n'apprécie pas le style de l'auteur. Je le trouve évasif, trop succinct dans les descriptions, et du coup beaucoup trop peu immersif. J'avais par exemple détesté les marionnettes humaines, à cause de ses personnages ultra stéréotypés, de ses dialogues navrants et de ses descriptions minimalistes... Tout en lui concédant un réel savoir-faire en terme de rythme, car le livre se lisait d'une traite, et son vocabulaire... "Accessible" le rendait parfait pour bouquiner sur une plage, taquiné du coin de l'oeil par la ravissante silhouette de madame qui bronze à côté de vous.
Mais "Étoiles, Garde à vous" est définitivement d'un autre genre. Tout en restant dans les clous de l'auteur, (peu de descriptions, rythme fluide) le livre offre au lecteur une surprise de taille si, comme moi, vous avez d'abord vu la satire anti-militariste de Verhoeven. En fait, le livre est l'exact opposé !
(ATTENTION, comme vous pouvez le voir, je me suis un peu lâché dans mon argumentation. Si vous voulez mon avis sans vous enquiquiner à lire tout ce fatras, allez directement aux pointillés.)
Il décrit les aléas d'un ado issu d'une classe aisée, un peu paumé, comme il en existe partout ailleurs. Sauf qu'il va se révéler dans l'armée, et que l'auteur en profite pour exposer sa vision positive de ce grand agrégat, de sa mentalité à part, jusqu'au côtoiement fréquent d'une violence extrême, inconnue de la majorité d'entre nous. Il transpose enfin cette doctrine paternaliste souvent tournée en dérision partout ailleurs dans la vie de tous les jours, et c'est le plus important, avec une approche philosophique de QUALITÉ.
C'est ce qui m'a fait éviter de mettre une mauvaise note, car dans les phases où Rico se confronte à l'autorité et à l'approche philosophique de la vie militaire, (ou simplement citoyenne !) le vocabulaire se fait plus riche, la pensée beaucoup plus fine et surtout intéressante.
L'auteur y expose son penchant pour l'armée, mais décrit et exprime surtout avec justesse une logique à toute épreuve. Il exprime son attachement pour la citoyenneté, et les devoirs du citoyen, comme le fait de voter. Mais il insiste aussi sur le coté méritoire et de l'attribution non automatique de celle-ci. Et cette idée me plaît, vu le taux d'abstention chronique dans les urnes aujourd'hui. Non que je trouve qu'il faille être de souche Française pour l'obtenir, ou autre connerie xénophobe de ce genre, et encore moins qu'il faille se faire trouer la couenne pour l'obtenir. J'adhère simplement au fait que l'on devrait gagner sa citoyenneté par des actes simples du quotidien (politesse, civisme, respect des ainés, du voisinage...) et surtout la conserver en allant voter, geste qui en plus d'être symbolique, est NÉCESSAIRE à notre vision de la démocratie. (Et je pense qu'on l'oublie un peu trop facilement)
Bref, pour Heinlein, la citoyenneté se mérite, se gagne par ses actions du quotidien. Il est donc logique de trouver une tolérance moins élevée que la moyenne pour les formes de délinquances, et une importance notable pour une éducation assez rigide. Autant d'idées qui peuvent trouver une résonance forte actuellement, sans toutefois tomber dans la démagogie d'extrême droite. Et c'est encore une fois un problème en France. L'amalgame entre éducation, délinquance et répression vous amène presque systématiquement vers l'extrême droite, alors que l'auteur n'a pas de lien commun avec ces mouvances. Par ailleurs il reste très facile de raccourcir sa pensée à un ensemble de violences gratuites, alors que là encore, ce n'est pas ce que j'ai lu dans ce livre. Libre à vous de dénaturer ou de raccourcir sa pensée, ou au contraire de vous laisser une place d'intérêt lors de votre lecture, ce qui a été mon cas. En ce qui me concerne, je n'aime pas ce système qui consiste à systématiquement trouver que quelqu'un est d'extrême droite parce qu'il ne tolère pas la délinquance ou qu'il estime que ses enfants doivent être simplement polis avec leur entourage. Dans votre comportement, il y a des bases, apprises à un moment donné de votre existence, et forcément pour coller à un milieu, quel qu'il soit. Donc sans forcément avoir fait l'armée ou adhérer à ses principes, n'oubliez peut être pas que nos valeurs morales nous définissent et nous permettent de vivre les uns avec les autres. C'est je pense le point crucial de ce livre, et j'y adhère sans retenue, sans aller plus loin que ça. Respecter les autres et sanctionner (avec un comportement approprié) les différentes déviances ne me choque pas en soi. Au contraire, je trouve ça assez juste, d'autant que Heinlein ne parle jamais d'exaction ou de violences gratuites. Il parle une seule fois de peine de mort, mais dans le strict cadre militaire, et pour un fait d'une extrême gravité. L'auteur exprime notamment cette réponse graduée avec le violeur et l'assassin de la petite fille dans le dernier tiers du livre, qui est qui est par ailleurs un déserteur, mais aussi avec le comportement général des punaises. Lisez-bien ces chapitres. Les punaises ont un comportement qui privilégie la survie du groupe. Mais Heinlein privilégie la sauvegarde de l'individu, avec les passages où Rico s'interroge sur le fait qu'il soit nécessaire d'aller rechercher un fantassin blessé sur le champ de bataille, où l'exemple de l'élève officier renvoyé pour avoir porté secours à son officier supérieur, rompant ainsi la chaine de commandement.
Heinlein soulève plusieurs points d'intérêt, dans un cadre donné assez original, pour le coup, car inhabituel dans le domaine littéraire.
Quoi qu'il en soit, je trouve son approche plutôt fraîche et intéressante, même si plusieurs points sont évidemment discutables. Pour une fois, on nous offre une approche moderne et pro-militaire en évitant les traditionnelles conneries d'extrême droite et les pamphlets des intégristes de la NRA. Donc pour un livre servi par un ancien militaire, ça s'apprécie d'autant.
Par contre concernant les critiques, je suis quand même surpris. Je croyais que ce livre se verrait mieux accueilli que ça sur le site, mais je vois encore une fois les ravages des mass médias dans les appréciations. J'y ai vu autant une incompréhension chronique de ses opinions que beaucoup d'extrapolations, (voir la critique du Dino Bleu par exemple, qui est assez révélatrice: http://www.senscritique.com/livre/Etoiles_garde_a_vous/critique/3307189) ainsi qu'une surcote flagrante de son livre pour ceux qui l'ont apprécié, mais à ce niveau, ce n'est pas vraiment une surprise, puisque que comme beaucoup de livre de SF, il s'adresse à un public de niche, et il appartient à tout le monde d'avoir ses préférences, je n'ai pas à remettre ça en cause.
Mais le plus intriguant reste quand même les amalgames douteux concernant l'approche militaire, parce que encore une fois, elle est étayée avec soin. Contrairement à ce que j'ai lu dans de nombreuses critiques, je n'ai pas l'impression que Heinlein légitime la violence, et encore moins qu'il n'exhorte ses contemporains à le faire. Il exprime sans surprise (il a été militaire) une vision de l'éducation rigoureuse et fondée sur une punition graduelle et adaptée au cas, ainsi qu'une approche humaine du conflit armé. Il décrit le désarroi des soldats livrés à la bataille, mais aussi la création de leur esprit de corps, qui vous maintient soudé dans une équipe inaliénable. Heinlein donne aussi une approche d'officier, ce qui est encore une fois assez rare. Il vous donne donc tout l'intérêt d'une pensée qui privilégie l'unité et l'obéissance, tout en vous coupant malheureusement des courants de pensées civils, plus individualistes et désordonnés. Et sa pensée se tient, quand toutefois on ne décroche pas rapidement, ce qui a été le cas pour de nombreux auteurs de critiques sur ce site. Car là où je m'attendais à voir des pics concernant le côté bancal de sa théorie avec son démontage un peu en dessous de la ceinture du Communiste, (un comble vu le contexte et la base idéologique) les critiques ne s'axent que sur des extrapolations concernant sa vision de l'éducation et la délinquance. Dans une critique sur deux quasiment, il y a un hors-sujet...
Hey les gars... Relisez le bouquin avant de raconter des conneries !
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Donc au final, je sais maintenant que je n'apprécie pas cet auteur, car je n'aime pas son style, et que cette histoire est trop décousue pour moi. Les différentes bribes de la trame sont loin d'être passionnantes, hormis le passage final sur la capture finale, et les passages philosophiques un peu soudains et abrasifs. On obtient donc un rythme assez inégal, même si le côté philosophique reste engageant pour son argumentaire. Libre à vous d'y adhérer ou pas, ce n'est pas vraiment la question.
L'histoire est ici aussi light que dans les marionnettes humaines, et je n'arrive pas à m'immerger, c'est vraiment ce qui m'ennuie, parce que pour moi, un livre doit ou me permettre de m'évader, ou m'immerger dans son contenu. Et je trouve que le mélange des genre est ici un peu trop maladroit. Par ailleurs j'estime plusieurs passages un peu longs lorsqu'il décrit l'organisation militaire, (grades, communication sur le terrain, techniques militaires diverses...) et sans grand intérêt pour la trame narrative. Quoi que ce point de vue soit totalement subjectif.
En revanche, je tiens à recommander le livre pour la vision de la vie en société de Heinlein, si tant est que vous preniez le temps de la comprendre. Et je parle encore une fois de l'argumentation de cette théorie, pas du fait d'y adhérer ou non... Elle a des failles, (son rejet du Communisme) mais reste intéressante.
(Ah oui, POUR CELUIi que je ne citerai pas et QUI A CONFONDU MARXISME ET COMMUNISME:
HEINLEIN NE REJETTE PAS LE MARXISME PUTAIN !!! Son livre est publié en 1959. Le Marxisme est un courant de pensée à l'origine du communisme, qui émerge à la fin du 19ème siècle. Le "communisme" visé par Heinlein fait référence AU BLOC SOVIÉTIQUE DE LA GUERRE FROIDE, et à son idéologie à ce moment donné, plus proche d'une dictature que d'autre chose. Il n'a donc plus grand chose à voir avec le Marxisme énoncé en 1844 par Karl Marx et Engels... (Marxisme : 1844, Guerre Froide : 1945-47 -> 1989...) Alors ennemi des USA, ce Communisme là s'inscrit dans le contexte du Maccarthysme aux USA. (années cinquante) Ce sénateur avait lancé la tristement fameuse "Chasse aux sorcières", qui visait à faire la chasse aux agents communistes infiltrés dans les différentes sphères du gouvernement et dans la Société en général, provoquant une véritable vague de terreur parmi les intellectuels de l'époque. Il y eut de nombreuses dénonciations, et de nombreux gestes d'incivilité chroniques, avec des délations calomnieuses notamment. Il ne s'agit donc pas uniquement d'un rejet de l'idéologie communiste, mais plutôt d'un amalgame foireux entre courant de pensée et contexte historique qui commence à dater. La peur du "Communiste" est devenu la peur du "Communisme", et Heinlein n'a pas pris la peine de faire le distinguo. Quoi qu'il en soit, ce passage reste assez significatif de la nervosité de l'époque, et vient en opposition directe avec la théorie de Heinlein, puisque le Communisme visait une abolition du concept de classe sociale d'une part, et que sa théorie de cohésion sociale repose plus ou moins sur les mêmes valeurs que le communisme. La seule différence se fait en l'émergence d'une catégorie de gens supérieurs, les "Citoyens", mais qui gagnent leur rang par le mérite, et non par le pouvoir ou par la richesse. Simple supposition de ma part, Heinlein visait peut être par son rejet du Communisme la caste dirigeante des Hauts Dignitaires du Parti Socialiste, qui avait bien sur trouvé ses membres dans la noblesse et l'aristocratie de l'ex Russie. Il y avait peut être une certaine ironie dans ces propos, mais rien n'est décrit textuellement de la sorte. Par ailleurs le lecteur attentif aura noté que le Père de Rico est un riche entrepreneur, et que Heinlein s'attaque à cette image assez vigoureusement. Son père ira jusqu'à s'engager et à renoncer à son entreprise. Il va donc à l'encontre des valeurs capitalistes de l'époque... )