Mon premier roman de Balzac fut une très bonne surprise !
Ce roman frappe grâce à deux atouts que Balzac lui a insufflé avec brios et qui fondent l'intérêt de ce roman. Le premier atout de ce roman, est sa grande galerie de personnages hauts en couleurs et d'un réalisme implacable.
Le personnage le plus marquant est évidemment le père d'Eugénie, Félix Grandet, véritable personnage principal de l'intrigue, un personnage qui peut au premier abord faire sourire à la manière d'un Harpagon chez Molière mais qui s'avère au cours du roman être un personnage méprisable, monstrueux, diabolique. Il est un tyran domestique, une présence menaçante pour sa fille et sa femme qui ne sont pour lui que des propriétés dont il garde férocement le contrôle.
" Il est une ombre planant sur Saumur et ses habitants, une incarnation de tous les vices et maux de l'époque, un cauchemar humain qui infecte les autres personnages à commencer dont la pire des victimes reste son neveu, Charles Grandet.
Charles représente le seul espoir d'Eugénie Grandet, la fille de Félix, une jeune femme effacée, lassée par la vie sans éclat et oppressante que lui impose son père qui ne trouve de réconfort que dans la complicité qu'elle entretient avec sa mère, sa codétenue. Plus qu'une histoire d'amour portée par l'insouciance enfantine, Charles représente pour Eugénie une porte de sortie de cette existence de captive imposée par son père pour quelque chose de plus simple. Il est même pour elle une présence inspirante qui la pousse à se révolter contre son père vers la moitié de l'argent et utiliser son argent pour le bien de Charles.
Charles est un jeune homme bon dont les vertus seront malheureusement corrompu par la vilénie du père Grandet et son manque d'empathie. C'est vers la fin du roman que sa transformation monstrueuse arrive à son terme après une discrète évolution: "P:194: Il était dominé par l'idée de reparaître à Paris dans tout l'éclat d'une haute fortune, [...] les aventures qu'il eut en divers pays effacèrent complétement le souvenir de sa cousine, de la maison, du banc, du baiser pris dans le couloir. Il se souvenait seulement du petit jardin encadré de vieux murs, parce que là, sa destinée hasardeuse avait commencé; mais il reniait sa famille: son oncle était un vieux chien qui lui avait filouté ses bijoux; Eugénie n'occupait ni son cœur ni ses pensées, elle occupait une place dans ses affaires comme créancière d'une somme de six mille francs."
Son seul espoir de vie heureuse à jamais disparu, sa mère morte depuis des années. Eugénie se retrouve seule à la fin du roman mariée à un homme auquel elle n'as aucun rien. C'est une tragédie dans laquelle les personnages ne sont pas effondrés sous une avalanche de catastrophes ni à cause d'un quelconque cataclysme mais seulement à cause de vices inscrits en les personnages qui ont empoissonnés leur vie pendant des années.
Balzac montre avec ce roman comment les espoirs et les rêves de jeunesse se retrouvent écrasés en son époque par la richesse nauséabonde des puissants qui traitent la vie comme une affaire et les gens comme des produits qu'ils peuvent exploiter comme pour leur semble. C'est donc une critique acerbe de république capitalisme encore naissante à cette époque doublé d'un récit émouvant sur un amour de jeunesse à jamais perdu porté par un style addictif.
Et c'est là on j'en viens au deuxième atout du roman: son style. Balzac est réputé pour ses descriptions interminables (qu'il était très vivement encouragé à faire car il était payé aux nombres de pages qu'il écrivait) mais cela ne devient jamais ennuyant, au contraire le roman prends un aspect cinématographique. Balzac prends le temps d'insuffler de la vie à Saumur, de la faire exister dans l'esprit de ses lecteurs à raconter en détails l'environnement dans lequel évoluent ses personnages. Tout le vocabulaire technique du cinéma pourrait être appliqué ici alors que le cinéma n'existait pas encore ce qui est une vraie prouesse ! Jamais un roman ne m'avait mit autant d'images en tête et ce n'est pas étonnant de voir que de nombreuses adaptations au cinéma ont étés réalisées de ce roman.
En conclusion le roman de Balzac est un récit génial et cinématographique qui blesse par son réalisme. Et le plus atroce dans l'histoire c'est que le changement de la narration du passé simple au présent de vérité générale à la fin du roman est un présent que nous vivons aujourd'hui.