Romain Gary exprime assez bien son ambition, son idée générale, qu'il expose dans cette fameuse préface. L'Europe relève donc d'une utopie, ne dépasse pas le terreau culturel commun, une culture élitiste, qui ne peut engendrer que de la nostalgie, et rien d'autre, donc, en tout cas, rien de constructif.
Aussi, dans cette fiction, les personnages, à la croisée de plusieurs pays et, étonnamment, de plusieurs époques, se compliquent la vie, s'abîment, alors qu'ils s'aiment de manière alambiquée, perverse, se font du mal à eux-mêmes, s'avilissent parfois. Les compromis sont douloureux. La construction européenne serait-elle à cette image ?
Je ne partage pas ce point de vue. Il ne peut pas y avoir d'Europe sans projet fédérateur - à mettre en commun, sans jeu de mot -.
Chez ces personnages, il n'y en a pas : ils ne savent pas exactement ce qu'ils cherchent. Outre la régulation économique et la libre concurrence, c'est un peu le cas. La prospérité économique, les conditions d'une croissance stable et la recherche d'un modèle social seraient de nouveaux moteurs qu'apportent cette crise. A tout hasard, malheur est bon.
Si le style est agréable, les références sont souvent gratuites, le détour par tant de fictions, d'artifices lointains me paraît tiré par les cheveux. Et, surtout, ce que je n'aime pas tellement dans la méthode, c'est qu'il ne livre pas de méthode, d'issue de secours, de projet de rechange.
Les personnages ont tous du charme dans leur folie ou leurs faiblesse, mais à quoi bon ? Tout n'est pas si clair. Je pense que cela est dû à un manque de références de ma part. L'idée générale se laisse saisir, les détours un peu moins. Peut-être que l'auteur s'est laissé aller à se faire plaisir.