Une histoire d'amour et de mort dans un port fluvial de la jungle colombienne, sur les rives de l'Orénoque. Eva et les bêtes sauvages se lit comme un portrait radical de la violence en Colombie à la fin du XXe siècle. Eva, une infirmière qui a une fille et un passé de tous les excès, devient l'objet du désir d'un homme qu'on appelle Gordo Ochoa, qui travaille pour des voyous locaux. Très loin de Bogotá, des paramilitaires, des guérilleros des FARC, des indigènes, des aventuriers, des soldats, des policiers, des trafiquants de coca, des prostituées et des mineurs se croisent et s'affrontent dans un roman qui ne fait pas de quartier et s'impose par son aspect direct, qui n'empêche pas certaines envolées lyriques et poétiques. Moins connu jusqu'à maintenant que ses brillants compatriotes, Juan Gabriel Vásquez, Héctor Abad Faciolince (dont on attend impatiemment un nouveau livre) ou encore Santiago Gamboa, Antonio Ungar mérite de se faire une place dans un paysage littéraire national dense comme la jungle. Entre le reportage et le conte, entre crudité et angélisme, Eva et les bêtes sauvages séduit par la complexité de ses personnages et leur sensibilité, qui contraste avec la férocité obstinée des exactions en ce lieu perdu de Colombie.