L'accomplissement du messianisme juif
Le texte parvenu à nous sous le nom de Marc est probablement le premier en date des textes évangéliques. Il a été largement recopié par Matthieu et Luc. Son style est anti-intellectualiste, et sa narration est volontairement simple pour être accessible. Ce point de vue serait le même que celui de l'apôtre Pierre, fondateur de l'Eglise désigné par Jésus, d'où la qualification de « pétrinien » attribuée à cet évangile. Marc aurait transcrit ce que lui aurait rapporté Pierre, mieux placé pour connaître Jésus.
Marc n'est pas un intellectuel. Il profère quelques lapalissades propres à frapper le bon peuple. « Ce ne sont pas les vigoureux qui ont besoin du médecin, ce sont les mal-portants. » (II, 17). Il souligne les émotions, les sensations, le mouvement. Il s'adresse à un public qui ignorait à peu près tout des coutumes juives : il les explique et, parfois, il en sourit ; il émaille son texte grec de mots araméens, aussitôt traduits, comme s'il en espérait, pour son récit, un surcroît de crédibilité.
Si Marc a bien transcrit ce que lui racontait Pierre, il est intéressant de voir ce qui l'a le plus frappé :
• le refus par Jésus de toute publicité autour du Messie, et principalement des miracles
• le manque d'intelligence des Apôtres et les remontrances que cela leur attira de la part de leur Maître.
Parmi les passages remarquables : le portrait de Jean le Baptiste en ermite au désert (I), la Parabole du semeur (IV), Salomé dansant et obtenant de son beau-père, Hérode, la tête de Jean Baptiste (VI), la Transfiguration (IX), la condition du ressuscité (XII)...
Cette candeur du récit, propre à impressionner les foules, nous renvoie à l'enfance des croyances, domaine inaccessible à l'esprit occidental actuel, pour qui tout le débat se réduit à « croire ou ne pas croire ». La parole énoncée dans ce livre est autrement plus dérangeante, puisqu'elle remet en cause le comportement quotidien de chacun, à chaque instant. Cette remise en cause, on comprend qu'il soit plus aisé de la rejeter en la taxant de jolie fable, que d'entreprendre un travail sur sa propre intimité.