Verlaine peut agacer, énerver par sa mièvrerie. On aimerait le prendre par l'épaule, lui dire :
- "Paul, arrête de boire. Tu as l'absinthe sinistre. Gémissements, pleurs, regrets, remords, tu en fais trop Pauvre Lelian ! Tu vas te ruiner en mouchoirs !"
Saturnien de tempérament, il aime les lieux louches, les situations glauques et les plaisirs faciles. Les gouffres du mal le fascinent. Flirter avec sa propre mort, quelle danse du scalp !
Mais deux fées, penchées sur son berceau, ont béni le pleurnichard : "Reçois les dons de poésie et de musique !" Verlaine rêve de paradis perdu, de pureté, de conversions foudroyantes. Après chaque chute, il se relève, reprend sa route chaotique. Jamais il ne renonce à boire à la source apollinienne. Poète à l'oreille absolue, il compose une musique subtile, pleine de nuances.
ROMANCES SANS PAROLES (1874) :
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville.
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon cœur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un cœur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce cœur qui s'écœure.
Quoi ! nulle trahison ?
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi,
Sans amour et sans haine,
Mon cœur a tant de peine.
POÈMES SATURNIENS (1866) :
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon cœur
D'une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure,
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.