Confessions addictives d'un junkie

Contrairement à pas mal de jeunes occidentaux partis en Asie à la fin des années 60, Charles Duchaussois en est revenu vivant. Il a confié ses mémoires de voyage à 18 bandes enregistrées (27 heures d'enregistrement en tout) qui ont ensuite donné lieu à la publication de Flash.
Flash est un témoignage d'une intensité extraordinaire et unique, relevant à la fois du Road Trip, de l'autobiographie (d'où mon titre de Confessions). Flash vous plonge au cœur de la culture hippie des années 60 (l'action se situe en 1969-1970) et au cœur du monde des drogues. En comparaison avec Flash, le mythique Road Trip Sur la route de Jack Kérouac ressemble à un gentil camp scout! Si le film Requiem for a dream évoque avec force la problématique de la dépendance (pas seulement aux drogues!), Flash est infiniment plus puissant dans le témoignage de vie qu'il nous donne. Dans son genre, c'est un chef-d'oeuvre qui nous fait parcourir un itinéraire géographique de la France au Népal en passant par le Liban, la Turquie, le Koweit, l'Inde pour ne citer que quelques uns des pays traversés par Charles, donc Road Trip, mais il s'agit essentiellement d'un itinéraire de junkie de la première expérience avec le Haschisch à Istanbul jusqu'aux drogues les plus addictives, itinéraire au cours duquel l'auteur nous raconte son premier shoot/fix, son premier voyage au LSD etc. Même si ce livre de par sa nature autobiographique n'est pas un traité sur les drogues, Charles ouvre cependant une longue parenthèse dans son récit pour se livrer à des réflexions de fond sur les drogues (pages 222-246): Pourquoi se drogue-t-on? Quels sont les différents types de drogues et leurs effets? Ayant tout essayé lors de son voyage en Asie, son témoignage revêt une valeur d'expérience incomparable. A partir de la page 246, autre question que le lecteur se pose et à laquelle Charles répond: Comment fait-on pour se procurer de l'argent quand on est sur la route, quand on est hippie, ou assimilé hippie, quand on est à Katmandou? Et qu'on ne travaille pas...

Flash est un récit addictif, à l'image des drogues dures qui vont plonger l'auteur dans une terrible déchéance. Une fois que l'on en a commencé la lecture, il est difficile de faire une pause! Flash nous partage de manière exceptionnelle et brillante l'expérience de Charles parmi les hippies de Katmandou et sa descente inéluctable aux enfers à cause de l'abus de toutes les drogues possibles et inimaginables. Ce récit-témoignage constitue le meilleur argument contre l'usage des drogues dures. Il démontre dans quel esclavage la dépendance à ces drogues peut enfermer un homme jusqu'à lui ôter sa propre vie après lui avoir d'abord ôté sa lucidité et sa volonté. Tout au long du récit, l'on perçoit à quel point l'enfermement dans les drogues (elles sont alors l'unique centre de la vie, l'unique objet de la pensée et des actions) peut rendre une personne bonne (ce qu'est Charles au fond de lui-même) égoïste, inhumaine et malhonnête. Mais ce récit est aussi une terrifiante plongée dans la misère matérielle des pauvres d'Asie survivants dans d'infects bidonvilles (Bombay), mutilant jusqu'à leurs propres enfants pour pouvoir survivre (Bénarès), travaillant très durement dans les montagnes du Népal pour transporter marchandises ou riches voyageurs à dos d'hommes (sans avoir de quoi pouvoir se payer un simple thé en cours de route) etc. Le récit poignant de Charles entremêle ainsi la misère spirituelle des hippies d'Occident croyant trouver le Paradis et l’accomplissement personnel dans les drogues et la misère matérielle des masses asiatiques, survivant durement dans un monde qui semble sans pitié.
Un livre à lire absolument, on ne peut pas en ressortir indemne! Un livre parfois très dur mais d'une beauté saisissante par l'authenticité du témoignage donné. Âmes sensibles s'abstenir!