Les « Florides » d’Apulée sont un recueil d’extraits de ses discours, bien dans le goût des « morceaux choisis » de rhétorique antique à l’usage des écoles et du public cultivé. On ne sait pas grand-chose de la date de leur composition, sauf qu’ils sont probablement postérieurs au procès intenté à l’auteur pour faits de magie.
Comme ces extraits sont donnés sous forme brute, sans notices, leur intérêt – et même leur sens – est fort inégal, faute de connaissance du contexte de leur rédaction. Si le lecteur apprécie ces fragments, c’est en fonction de ses propres centres d’intérêt, de son appétence pour le beau langage latin, et de sa dilection pour la culture antique.
A travers ces extraits, on voit aisément se dessiner les contours d’un Apulée brillant dilettante, papillonnant avec un certain succès entre tous les modes d’expression orale et écrite (IX, XX – non sans manifester une claire conscience de ses talents...), pourvu d’une solide culture historique, philosophique et littéraire, habile à flatter tant les individus que les foules (IX, XVI, XVIII). Sa vanité élégante et un peu roublarde le pousse à remercier par avance la ville de Carthage pour la réalisation d’une statue à son effigie, afin d’être bien sûr que ce projet sera concrétisé (XVI)...
On se délecte de son aptitude à créer une atmosphère par la répétition de synonymes, ou la peinture de réalités proches entre elles par le sentiment qu’elles inspirent, sans compter la valeur documentaire de certaines descriptions, qui donnent le détail de décors habituellement un peu vagues dans la littérature latine. Par exemple, les lieux et objets de culte dans une atmosphère de pieuse sérénité (I), le côté altier et majestueux du vol d’un aigle (II), les caractères émotionnels des genres musicaux antiques (IV) ou des genres théâtraux (V) ; les inconvénients de rouler en char (XXI).
Philosophiquement, Apulée sait rendre hommage aux Gymnosophistes de l’Inde (VI) ; il conseille aux candidats philosophes une apparence décente et digne (VII), et fait d’Hippias une intéressante apologie, fondée sur le goût de ce penseur pour un idéal d’autonomie, voire d’autarcie pratique, fuyant la dépendance aux acquisitions commerciales, dont nous ferions bien de nous inspirer dans notre époque d’orgie consuméristes mondialisée (IX) ; description de la rudesse dans le dénuement, et jusque dans l’érotisme, du philosophe cynique Cratès (XIV, XXII) ; intéressants détails sur la vie de Pythagore (XV) ; anecdote sur Protagoras et l’art mystificateur des sophistes (XVII).
La mythologie intervient dans ces exercices rhétoriques : le contraste entre Marsyas et Apollon dans leur rivalité musicale (III). On appréciera la poésie de la description d’une Inde un peu fabuleuse (VI), le portrait d’un perroquet (XII), le nom du chant de plusieurs variétés d’oiseaux (XIII), ou de cris d’animaux (XVII).
On apprécie l’ingéniosité stylistique d’un écrivain maître de toutes les techniques pour briller. On se dit que tout ceci n’est que de jolis mots, et un peu vains sans doute. Mais les écoles de rhétorique antiques ne demandaient pas autre chose à leurs élèves : on en était encore à s’émerveiller du pouvoir du verbe sur les consciences, et à tenter de fabriquer des magiciens détenteurs de ce pouvoir.