J'ai eu la chance de finir cette année sur cette très belle lecture :-) Je ne connaissais pas vraiment Maupassant, ayant peut-être lu "Le Horla" dans le temps et vu je crois Bel Ami en adaptation télé. "Fort comme la mort" m' a vraiment scotché, alors que je n'attendais qu'une pâle bluette fin de siècle, quelque chose de facile à lire pour me mettre en train sur cet écrivain. Grosse surprise donc de découvrir un texte de très haute volée que n'aurait pas renié un certain monsieur Proust, et qui évoque comme lui et avec mordant, certains milieux aristocratiques, oisifs et gâtés, où se joue ici un drame amoureux superbement décrit.
Maupassant nous parle en effet d'Olivier Bertin, un peintre riche et adulé, allant de cercles de gentlemen en promenades parisiennes, qui a pour maîtresse et reine de son cœur une comtesse mariée au conjoint trop occupé, et qui voit soudain se développer chez lui, alors que l'âge le rattrape, une passion inattendue pour la toute jeune fille de son amoureuse.
Maupassant nous fait rencontrer de manière subtile à la fois la passion qui unit Oliver le peintre à sa maîtresse Anne - une femme qui l'aime réellement et qui en même temps le tient sous sa coupe en exquise manipulatrice qu'elle est - et la naissance de ses sentiments flous et pourtant inéluctables semble-t-il pour la jeune Annette. On vit de plein pied cette métamorphose de l'amour de l'une en amour pour l'autre. La finesse de la peinture des sentiments, des mouvements intérieurs, n'est pas sans rappeler, toute proportion gardée, la lecture d' "Un amour de Swann". Mais je m'avance peut-être.
J'ai beaucoup aimé que l'obsession naissante de cet artiste vieillissant soit aussi perçue et prophétisée même par la mère de la jeune Annette, qui observe le comportement de son amant, et qui le préviendra même de la crise en devenir. Car tous deux, Anne et Olivier, sont en effroi face à leur miroir, face à l'âge, face à la sénescence, perte de beauté pour l'une et perte d'inspiration pour l'autre. Maupassant tape fort en décrivant les sentiments de jalousie de la mère pour son enfant, elle qui devient invisible tandis que brille cette nouvelle étoile qui lui ressemble tant. Quant à son héros Olivier il le fait se débattre entre la confusion d'un sentiment inavouable et la réalisation de devenir, comme ses peintures, peut-être "démodé".
"Fort comme la mort" , presque badin au départ, devient de moins en moins léger dans le ton et l'analyse, lorsque Maupassant nous interroge sur la perte de soi qu'est la vieillesse, sur cette panique métaphysique et pourtant bien "mondaine" qui saisit l'être humain devant sa déchéance. Le livre est loin d'être un pensum, rassurez-vous, mais une observation aiguisée des mœurs d'une certaine classe, et des passions et angoisses que réveille le temps qui passe. J'ai trouvé ça très bon et je vous le recommande chaudement , guys et guysettes, pour commencer cette année 2020.