Le soleil tape sur la Vallée de la Mort. Décor lunaire, goût d’une fin du monde ou d’une fuite à la vie, à la société, référence expresse à Zabriskie Point.
Quelques années après les révolutions estudiantines de mai 68, alors que Born To Be Wild résonne de concert avec un James Dean qui a encore la fureur de vivre, Foucault est invité par Michael Stoneman et Simeon Wade pour une expérience de LSD à dose thérapeutique, dans la Vallée de la Mort. Cela aura un effet d’épiphanie sur le penseur qui, en rentrant à Paris brûlera un texte en cours sur la sexualité et développera un nouveau chapitre de ses réflexions.
Ode à la drogue alors ? Peut-être pas. Il y a un relent démodé de ces générations sixties dans les allures des jeunes Américains croisés au fil des pages. Ils sont là, à bavarder autour d’un feu de camp, interrogeant leur Saint Foucault au crâne dégarni. Vous lisez ceci, vous aimez cela ? Le penseur fait figure de Deus parfois gênant. On ne sait plus trop bien si Michel Foucault est un humain ou une silhouette aux contours troubles, sorte de personnage de roman, de prophète en toge faite d’un pantalon à pâte d’éléphant et col roulé blanc. C’est là le paradoxe de celui qui écrivait au plus proche de la situation politique, pour finalement être écarté, protégé sur un piédestal.
Grâce au LSD il repose un pied sur terre. D’un coup il se glisse entre le duo Simeon et Michael. Écoute Stockhauzen, parle de Pierre Boulez. On n’échappe pas au mapping des grandes personnalités de l’époque ni à la mode du Yoga et de la méditation.
Au passage, Foucault avoue qu’il n’a lu que les cinquante premières pages de Sartre. On devine derrière les lignes vers qui se portent ses amours. Entre homosexualité, Freud de coeur et d’âme, Foucault balance.
Homme des interdits, des bars de sous-sol, de drogue et de rire. Foucault, philosophe des prisons, penseur des institutions politiques, de la psychiatrie. Il se dévoile un peu, beaucoup, jamais à la folie dans ce livre. Il répond juste aux questions, s’agace de quelques autres, se sent bien au milieu des jeunes tout en fuyant les foules. Non, il n’aime pas être au centre de l’attention, voudrait être un type parmi les autres, qui peut se poser en fond, pour réfléchir à la condition humaine. Ça et militer comme un homme du peuple. Mais c’est Foucault et en Californie, il est adulé.
Michel Foucault se prend sans fioriture dans les éditions Zone. C’est un gars façon Back To The Futur avec ses grosses lunettes. Son oeil chope la beauté des torses des garçons qui l’entourent, sa bouche laisse échapper les paroles prophétiques pour une clique d’étudiants voués à ses mots.
Foucault, Foucault, Foucault, comme la résonance de cloches pour une pensée qui ricoche de liberté et d’une sexualité débridée.
-> Critique publiée ici, aussi.