Voyageant dans les Pouilles (ouais je sais, c’est risqué comme accroche, nan mais reste, après ça change), j’ai été frappé par deux choses (en plus du bitter le plus redoutable de toute l’Italie, répondant au doux nom de Peter Bromekamf, ou Boumerkamp, non Brumenpepf, qui balance fort, genre 45° tranquille) : l’omniprésence de l’héritage de Frédéric II (le Hohenstaufen - à tes souhaits - du titre) et la totale ignorance dans laquelle j’étais le concernant, ignorance qui pouvait se résumer par une phrase facile à retenir et partant à répéter : "nan mais putain c’est qui ce mec ?" Les guides pénibles qu’on trainent le soir dans son lit (je parle des livres, là) histoire de s’endormir plus vite (même si le Bonerfamf, le Brunnenkarp, le Petrus quoi... aide pas mal, avouons-le) n’arrêtaient pas de lister ses châteaux, ses villes, ses batailles, ses vertus de grand intellectuel, et de s’émerveiller au sujet de l’ampleur de son empire aussi vite démembré à sa mort, que constitué de son vivant, j’en restai néanmoins bloqué sur mon antienne : nan mais c’est qui ce mec putain !


Ce mec donc, qu’on croise aussi rarement dans nos cours d’histoire à l’école que Petrus B à la terrasse de nos café (et c’est dommage, si si si ) n’était rien moins que le petit fils de Frédéric Barberousse (qui ? ouais, ok, l’Empereur du Saint Empire Germanique) par son père (si tu veux du chiffre : Henri VI) et de Roger II (Mmm ? le roi de Sicile et de toute l’Italie du Sud, wesh) par sa mère (la charmante Constance qu’était une femme extra, mais bon ne compliquons pas les choses), et qui va donc pendant la quarantaine d’année que durera son règne (il est mort en 1250) essayer de tenir dans sa main d’acier tous ses domaines du Nord et du Sud auquel se sont ajoutés par mariage (Yolande de Brienne si tu veux savoir) le royaume de Jérusalem, objet constant de croisades sanglantes, que lui parviendra à récupérer sans une goutte de sang. Et là, j’en vois la plupart qui se disent ok, on m’a appâté avec une histoire de bitter qui tue (Broomenhamp ? Mannenbrumme ? ) pour finir dans des histoires obscures de coucheries et de batailles moyenâgeuses, merci !


Que nenni, que nenni ! Promis, je n’entrerai pas dans les détails absolument passionnants développés à tire larigot par JBM (non c’est pas un autre alcool, c’est l’auteur du livre, un collabo notoire, soit dit en passant, mais juré dans le bouquin ça ne se sent pas : il est tellement amoureux de Fredo qu’il en oublie tous ses rêves de jeunesses blondes et sanguinaires prêtes à écraser la vieille Europe à genoux, pour se concentrer sur la figure charismatique de cet Empereur savant, poète et tolérant), mais n’empêche il faut m’en croire : la vie de Hohenstaufen aurait pu donner lieu à une sublime saga de Dumas, avec dans le rôle de l’ignominieux méchant le Pape Innocent III, tramant ses horribles coups bas dans l’ombre du Vatican, de la femme sage et aimante la belle Constance ou la fougueuse Isabelle d’Angleterre, du conseiller fidèle et brillant Hermann von Salza, sans parler de la foule de personnages annexes et de scènes d’action : Philippe Auguste, Jean Sans Terre, Othon IV, Bouvines, la 7e Croisade, Saint Louis, les tempêtes, les retournements de situation in extremis, le Bonnengharpf qui coule à flot (oups, non, anachronisme), les excommunications, les sacres, la chasse au faucon, bref, de quoi faire ensuite une série télé palpitante en 5 saisons qu’on suit haletant, entre le rire, l’espoir , l’émerveillement et les larmes…


Bon, Alexandre (non, Dumas, pas Le Grand, deux secondes d’attention quoi…) ayant totalement lâché l’affaire, on peut déjà se régaler avec le pavé de JBM, très finement documenté, écrit d’ailleurs beaucoup plus comme un roman d’aventure (et on comprend pourquoi) que comme un livre d’histoire. Même si derrière - via l’analyse de ce rêve brisé d’une Europe unifiée sans être uniforme, où toutes les religions pourraient vivre en paix, et tous les royaumes coexister sans brutalité- se dessine une bien triste moralité : c’est le Mal et l’Hypocrisie et la Mauvaise foi, et la Soif de pouvoir et la Lacheté qui finissent toujours, et partout, par remporter la partie. Quant aux héros honnêtes et droits ? Ils sont ici-bas pour faire rêver, pas pour gagner.

Chaiev
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le 11 nov. 2015

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