Fort de plus de 600 pages, le réalisateur William Friedkin propose enfin ses mémoires, à l'approche de ses 80 ans, pour celui qui restera avant tout comme celui qui a donné naissance à L'exorciste.
Toute sa vie nous est détaillée, mais, et c'est dit au début de l'ouvrage, Friedkin ne parlera pas, ou très peu, de sa vie, car s'il le faisait, le livre serait interdit aux moins de dix-huit, selon ses dires !
Donc, il est question de sa vie professionnelle dont le moins que l'on puisse dire, est qu'elle est précoce. Réalisateur d'émissions en direct pour la télévision de Chicago, il va ensuite tourner des documentaires dont un qui fera date, The people vs Paul Crump, dont la grande force est d'avoir changé la peine de mort d'un prisonnier en peine à perpétuité.
Le succès télévisé de ce documentaire va lui ouvrir en grand les portes de Hollywood, avec un premier film, Good times, à la gloire du duo Sonny & Cher. Friedkin est très franc sur la réussite (ou l'échec) de ses films, tout en accordant une place particulière à French Connection, L'exorciste et Sorcerer, les deux premiers étant ses plus grands succès et le troisième son plus grand échec personnel.
William Friedkin étant une personne fréquemment interviewée dans les médias et présente dans les éditions vidéos de ses films, on peut ne pas apprendre grand chose sur la fabrication, mais il narre ça de manière passionnante, avec une franchise qui fait plaisir à voir, et qui ne fait guère état de ses doutes au moment de tourner. Il parle bien entendu de ses autres œuvres, comme Cruising, Police Fédérale Los Angeles, Bug ou son dernier film à ce jour Killer Joe, mais on peut regretter que tous ne soient pas autant développés, quand certains titres ne sont carrément pas évoqués, comme Le coup du siècle ou La nurse.
La dernière partie du livre parle non seulement de son mariage avec Sherry Lansing, seul moment où il parle de sa vie privée, donc exit le mariage avec Jeanne Moreau qui n'avait duré qu'un an, mais sur sa fin de carrière où il diversifia sa carrière, metteur en scène d'opéras, de pièces de théatre, et avec un passage très intéressant sur Killer Joe. Ayant eu de graves soucis de santé à la fin des années 2000, il s'est jeté à corps perdu dans ce film ô combien sombre, à tel point qu'il écopera d'un classement NC-17, et qu'il ne cherchera même pas à couper le film pour le rendre lus accessible, et qu'il n'a plus envie de lutter. Ce qui sous-entend que ce pourrait être son dernier film car, comme il le dit, il ne voit pas un des grands studios lui proposer une de leurs franchises.
Même si je connaissais certaines des anecdotes énumérées dans ce livre, Friedkin est non seulement dur avec lui-même mais avec ses collaborateurs, comme Al Pacino sur Cruising, qui arrivait sans cesse en retard, ne sachant pas son texte, et dont la première coupe de cheveux qu'il a voulu avait fait retarder le tournage. Il ne cite pas de film favori parmi ceux qu'il a fait, mais a l'air très fier des Garçons de la bande, qui est effectivement formidable.
La preuve des grands livres est que, même après plus de 600 pages, on se dit "Déjà ?", c'est dire à quel point ce livre est formidable.