Jusqu'ici, les romans de Nick Hornby étaient amusants mais ne brillaient pas particulièrement par leur profondeur. Un bon auteur britannique mais loin d'égaler en style et en densité des compatriotes tels que David Lodge, William Boyd ou Jonathan Coe. Funny Girl est d'évidence la plus grande réussite de Hornby, un livre qui tout en restant pétillant ne se prive pas d'explorer avec acuité la société anglaise, celle des sixties en l'occurrence, qui débridèrent enfin le Royaume de ses tabous victoriens. Primo, Funny Girl est un portrait pertinent d'une jeune femme de l'époque, bien décidée à faire comprendre aux hommes, horribles machos, qu'elle n'est pas qu'une belle plante décorative, mais une personne douée d'ambition, persuadée qu'elle a en elle la vis comica. Deuxio, le livre est le récit détaillé des coulisses de la conception d'un feuilleton télévisé appelé à réveiller les consciences assoupies de ses concitoyens. D'où son aspect choral (à la manière d'un Tonino Benacquista dans Saga) qui ne laisse aucun personnage dans l'ombre. Tertio, Funny Girl est on ne peut plus brillant dans sa description de l'Angleterre de Harold Wilson et des Beatles dans un temps où divertissement populaire ne rimait pas avec abrutissement des masses. Ou, en somme, l'impertinence ne rimait pas avec la vulgarité. Nick Hornby est désormais assez vieux pour éprouver une certaine nostalgie en tant que fan de sixties pour cette ère frondeuse et provocante qui piquait avec tendresse au lieu de ricaner avec cynisme comme il est de mise aujourd'hui. A cet égard, le dernier chapitre de Funny Girl, qui nous fait avancer de près de 50 ans dans le temps, est extrêmement touchant dans sa mélancolie rêveuse. Mais avant ce dénouement, le livre s'impose par ses dialogues cinglants et son humanité volontiers moqueuse. Un bon moment de lecture dans les pleins et déliés d'un roman qui a l'insolence et l'audace de la jeunesse triomphante.