Initialement sorti aux éditions des Moutons Electriques en 2009, ce petit bijou a gagné le prix Imaginales Francophone à Epinal en 2009, et à juste titre. Il fait partie de ces quelques romans de Fantasy de ces dernières années d’une force rare qui ont marqué les esprits, et en plus, il est français !
Pour resituer l’histoire, Benvenuto Gesufal est un personnage pour le moins antipathique : voleur, tueur, pas le moindre zeste d’héroïsme ne coule dans ses veines, mais payez le convenablement et il sera un sujet loyal. Voilà pourquoi il a été engagé comme homme de main par le Podestat Ducatore, homme politique ambitieux de la république Ciudalia, et voilà ce qui le mènera à sa perte.
Autant dire qu’il est rare de voir des romans de Fantasy aussi originaux que celui de Jaworski.
On peut qualifier Gagner la guerre de roman de Fantasy politique ou de Dark Fantasy si on le souhaite, mais pour moi il est inqualifiable, c’est un OVNI parmi les parutions littéraires du genre. Ce qui m’a le plus frappé c’est ce mélange de violence brute, incarnée par le truculent Benvenuto, personnage sombre, détestable, cynique et irrationnellement attachant, et d’intrigues politiques subtiles et inattendues qui façonnent le roman.
Certains lui reprocheront sa noirceur. "Gagner la guerre" est un roman d'antihéros, tous ses personnages sont plus odieux les uns que les autres, il n'y en a pas un pour racheter l'autre. L'histoire nous fait évoluer au sein des vendettas et luttes de pouvoir de différentes familles, au coeur d'une époque et d'une société machiste, intolérante, où la cruauté et la brutalité sont deux qualités essentielles pour tirer son épingle du jeu, et où les pourris finissent toujours par avoir le dessus... un peu d'ailleurs comme aux débuts de la Renaissance Italienne, à l'époque de Cesare Borgia, de Machiavel et de toute cette joyeuse cliques de familles psychopathes en quête de pouvoir et de gloire.
Jaworski assume d'ailleurs complètement l'influence de Machiavel pour l'écriture de son roman : partant donc du principe que Benvenuto et les autres protagonistes du livre suivent les préceptes de la pensée de Machiavel dans son traité "Le Prince", vous pouvez être sûrs qu'ils seront tous immoraux et "machiaveliques".
Pour ma part, j'ai trouvé l'idée géniale. Jaworski ne fait pas pour autant l'apologie de cette pensée. J'ai foi en l'intelligence des lecteurs, qui sauront faire la part des choses.
J’ai dévoré le livre d’un bout à l’autre, complètement stupéfaite d’avoir trouvé un roman enfin à la hauteur de mes attentes : une écriture toute en finesse, beaucoup de Machiavel, un brin de merveilleux, un zeste d’Histoire et surtout une bonne dose de suspense, what else ? Chaque chapitre rendait ma faim de lecture insatiable, et je l’ai refermé avec ce pincement au cœur qui vous prend lorsque vous finissez un bon livre, et que vous n’arrivez pas à le quitter.
Bref, vous l’aurez compris, Gagner la guerre, c’est ultra chouette.
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