Salopard magnifique ou quand la Fantasy devient intelligente.
Ce livre est un chef d'oeuvre. Le précédent livre "Janua Vera" (un recueil de nouvelles dans lesquelles est né Don Benvenuto) était déjà fabuleux mais, là, c'est magistral.
Je déteste les héros à la mâchoire carrée, au regard franc et à l'âme immaculée. Cela tombe bien parce que Benvenuto se fait péter la mandibule dès le début et question blancheur d'âme, notre héros fait plutôt dans la nuance de gris.
Jaworski nous a bâti un personnage crédible, humain jusque dans les traumatismes de l'enfance. Une intelligence létale, un sens de la formule digne d'Audiard et un cynisme de diplomate (ce qu'il sera provisoirement, le temps d'en prendre plein la gueule).
Son employeur, Léonide Ducatore, a une sérieuse parenté avec un certain Jules César et ce n'est pas un gentil Gandalf qui forme le reste de la communauté des salauds mais un mage noir, babylonien et redoutable.
La toile de fond politique est plus que crédible, la magie loin d'une quelconque grandiloquence et Cuidalia, est une ville-personnage parfaitement construite. La narration, qui est faite par Benvenuto, vous happe, vous plonge dans ses souffrances physiques et dans ses colères meurtrières mais tout en dynamisant le récit, en vous laissant parfois dans une ignorance frustrante... et voulue (quid du périple du Sorcier dans les Landes Grises ? Une nouvelle à venir ?).
Chez Jaworsky, les clichés nous sont épargnés. Dans ces histoires, les Elfes font tuer des femmes et des enfants, les gentils se font poignardés par calcul politique, les vierges évaporés sont de fieffées salopes et l'éthique n'est plus qu'un vague souvenir. C'est Machiavel Land !
Un pavé qui se dévore et vous laisse en manque.
Une dernière chose : la lecture de "Janua Vera" n'est certes pas obligatoire mais je vous la recommande (ne serait-ce que la nouvelle "Mauvaise donne" mettant en scène Benvenuto) car on y trouve les premières traces de certains personnages et/ou villes.
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