Après avoir démontré son talent de novelliste avec l'édifiant recueil Janua Vera, l'auteur français de fantasy Jean Philippe Jaworski pose à nouveau ses valises sur les terres du Vieux Royaume, mais cette fois, sous la forme d'un roman : Gagner La Guerre.
À travers les yeux du truculent assassin Don Benvenuto, déjà introduit dans Janua Vera, le lecteur aguerri comme le néophyte saura trouver son compte en suivant les aventures de ce personnage singulier à la gouaille sans pareille. L'intrigue prend donc place sur les restes du Vieux Royaume, plus précisément au cœur de la cité de Ciudalia, berceau de la République et source de toute les convoitises.
C'est en majeure partie entre ses artères urbaines et ses venelles que se joueront les déboires de ce cher Benvenuto, véritable grande gueule sans morale, impitoyable et bien loin des figures chevaleresques que l'on pourrait s'attendre à découvrir. Loin de simplement faire parler l'acier, c'est avant tout par son éloquence et sa capacité à se tirer des pires viviers que l'aventure se dessinera.
Frôlant le cap symbolique des mille pages, Gagner la Guerre pourrait être considéré comme l'aboutissement de carrière de Jaworski... si ce n'était pas seulement son deuxième ouvrage, laissant le lecteur libre d'imaginer de quoi est encore capable un auteur à la plume aussi vivace. Au-delà de simplement fignoler ses personnages, Jaworski leur donne une place égale sur un échiquier politique vaste, qui s'étend bien au-delà des remparts pierreux de Ciudalia, pour aller se nicher aux confins des forêts de la Marche-Franche, ou même dans les hautes tours de la cité de Montefelonne. On se prend à rêver de ces plages rocailleuse, de ces hautes cimes, de ces ruelles noirâtres de monde...bref, on s'éprend de l'univers que construit pas à pas l'auteur.
Inspiré par la Renaissance Italienne, il n'hésite jamais à faire valoir son statut de joaillier du mot en allant dénicher pléthores d'expression et de détails architecturaux d'un autre temps, ainsi qu'à nous ravir d'un florilège de détails picturaux en laissant une place importante à l'art. Loin des mondes standard de fantasy traditionnelle, il use de la magie avec parcimonie, ne la gardant que pour des occasions particulières, et ne nous dévoilera que quelques rares elfes et nains, préférant au contraire une fantasy semi-historique.
En grand amateur de digressions et d'accumulation, Jaworski profite de la personnalité taquine de Benvenuto pour nous régaler de réflexions au langage fleuri et de métaphores bien pensées, le tout enrobé dans une gouaille sans pareille. Loin d'ennuyer, ces écarts sont de multiples occasions de rire comme de rêver devant la considération qu'a notre assassin pour le monde qui l'entoure.
L'aspect véritablement unique de Gagner la Guerre, ainsi que sa manière de dépeindre des querelles intestines au sein d'une ville agissant comme un personnage à part entière, hisse sans effort ce roman parmi les plus grand récit de fantasy, et montre à quel point Jean Phillipe Jaworski est plus qu'un simple auteur : c'est un artisan du verbe, un joaillier du mot, et un amoureux transi de la langue.