Gros pavé que Gagner la guerre. Pourtant, on se retrouve à la fin à se demander comment l'intrigue peut se clore dans les quelques pages restantes. On en redemande presque. Car Gagner la guerre a plein d'atouts. Il est très bien écrit, avec un style direct plutôt bon et original, des mots inusités mais pas placés pour faire beau, et un sens du rythme qui va de quelques longueurs pas si mal placées entrecoupées de moments épiques prenants. Bref, ça se lit bien.


Mais.


Trois mais pour moi, un petit, un moyen, un gros.


Mais, les descriptions s'écoutent parler. Certes, Ciudala et son arrière pays n'ont plus de secrets pour nous, et ce dans les cinq sens. On voit, on goute, on sent la ville comme le héros. Trop. Des paragraphes et des lignes qui parfois n'en finissent plus et ne servent pas le récit. L'auteur est amoureux du monde qu'il a créé, on le comprend, mais il s'y perd un peu.


Mais, ce monde est noir, noir, noir à en tirer sur un glauque sans espoir. Benvenuto, le héros, est un soudard, un connard, une brute dont la seule finesse réside dans sa capacité à galoper et trucider. L'auteur en joue, certes, et on veut bien aller dans son sens. Mais Benvenuto n'est pas seul. Tous ceux qu'il croise sont du même bois, à leur échelle, à leur manière. Il n'y a plus de bonté en Ciudala et alentours, il n'y a plus de pureté, il n'y a que des trahisons, de la méfiance, de la bassesse. C'est une ambiance intéressante au début, et qui étouffe peu à peu. Certes, ne pas se focaliser sur des héros ou même des repentis est un bon choix, quelque chose qui change. Mais il faut faire ça avec de la finesse, de la variété, des nuances. Il n'y en a pas ici, ou pas assez.


Mais, enfin, ce roman est sexiste. Et je fais bien attention à ce que je dis. Je ne dis pas "le monde de Ciudala est sexiste" (ce qui est le cas pourtant). Mais bien le roman l'est. C'est là encore potentiellement intéressant de faire un monde sexiste et d'y faire évoluer ses personnages. mais Gagner la guerre ne fait pas ça : il intègre ce postulat et ne le dépasse jamais. Tous les personnages sont masculins, ou définis à travers des personnages masculins. Les rares femmes du roman sont là par leur rapport à un homme, et/ou pour servir de moteur narratif aux péripéties d'un homme, souvent de manière violente.


Le viol de Clarissima, glauque à souhait, n'est là que pour fournir un rebondissement au calme naissant de la situation de Benvenuto, en plus de nous le poser encore un peu plus comme "ce personnage détestable qu'on se déteste à aimer" (voir mais n°2).


C'est l'exemple le plus marquant du roman, mais globalement ce sentiment vaguement nauséabond marque pendant toute la lecture, pour tous les rares personnages féminins. Les femmes ne sont que prétextes, alors qu'un monde misogyne n'empêche pas de raconter des histoires ne l'étant pas.


Ces trois mais empêche le roman d'être un bon roman. Une écriture enlevée et une bonne trame ne fait pas tout. Il faut aussi réussir un équilibre subtil d'amour/haine avec son lecteur, surtout quand on ambitionne d'écrire une histoire aussi noire. Ici, c'est raté.

Scylite
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le 14 mai 2018

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