La stature de la liberté.

Étrange parcours que celui de Lucien Ginsburg : il sera devenu trois incarnations différentes, et est un de ceux qui aura donné les plus belles lettres de noblesse à la chanson française.

Fort de plus de 1000 pages, cette biographie monumentale raconte cette vie ô combien tumultueuse, où le pinceau a laissé place au stylo, puis au micro lors de son intronisation au succès en tant que chanteur avec sa version très controversée de La marseillaise.
C'est simple ; j'ai dévoré ce livre en quelques jours, car en plus d'être très bien écrit, il montre la passion qu'a Gilles Verlant pour Gainsbourg (il avait commencé à écrire sur lui de son vivant, au milieu des années 80), en y apportant par moment sa subjectivité sur l'attitude du chanteur ou de son entourage.

Loin de n'être qu'une biographie classique, celle-ci est ornée de plusieurs textes de ses chansons, et, pour moi qui ne connaissait que très peu Gainsbourg, que sous ses airs provocateurs se cachait un extraordinaire parolier, où sous le vernis de la gaudriole se cachait une grande pudeur.
Gainsbourg s'est souvent construit à partir de ses échecs. Échecs à la fois dus à cause de l'amour (il sera marié deux fois, et vivra en deux grandes histoires, dont celle avec Jane Birkin, dont le début avait mal commencé) ou de la chanson (incompris de tous quand il chantait au début de sa carrière, il s'est souvent réfugié en tant que parolier et n'a réellement décollé qu'en 1979, à 50 ans), ou de sa laideur supposée, lui qui se disait être "l'homme le plus laid de France", ce qui donnera au passage L'homme à la tête de chou.

L'ouvrage est constitué de très nombreuses interventions ; ses proches bien sûr, mais aussi ceux pour qui il a composé, ses techniciens, ses admirateurs. Et je pointerais le seul bémol du livre, qui est qu'on ne connaitra jamais les deux premiers enfants de Gainsbourg, Paul et Natacha, nés de son deuxième mariage. Mais à la décharge de l'auteur, Gainsbourg les a quasiment laissés tomber à leur naissance pour vivre sa vie de patachon, juste avant son histoire avec Brigitte Bardot.

Ce livre donne l'occasion de revenir sur les très nombreux scandales crées par le chanteur, car ce dernier a su utiliser la télévision (et celle-ci s'est bien servi de lui) pour devenir un bouffon médiatique comme les années 80 vont en faire d'autres (Jean-Luc Godard notamment) afin de faire toujours plus d'audimat. Tout y est relaté, du scandale des Sucettes à la version Bardot de Je t'aime moi non plus, et bien entendu ce fameux moment de 7 sur 7 et ce billet Pascal brûlé en direct... Je trouve d'ailleurs étrange que quand on parle de Gainsbourg, on en revient très souvent sur sur fameux billet brûlé, alors que dans l'émission Le jeu de la vérité, il n'avait pas hésité à faire en direct un chèque de 100 000 francs pour le Secours Populaire.

Le sujet aide, mais comme je le répète, j'étais un novice total de la vie de Gainsbourg, ne connaissant surtout que les grands traits, mais maintenant, je vois un auteur fabuleux, que tout le monde s'arrachait, et qui aura marqué clairement son temps, de par sa prose, ses frasques, et l'homme unique qu'il fut, faisant de sa liberté sa manière de vivre.