Gargantua
7.1
Gargantua

livre de François Rabelais (1534)

Autant être honnête, je fais d'une pierre deux coups en écrivant à la fois une critique de ce livre top cool et l'intro de ma dissertation pour la rentrée (coming soon: une critique du dictionnaire Français-Latin aux éditions Gaffiot):


L’objectif principal de la satire est la moquerie. Son ambition est de porter atteinte à une idée, à une personne ou à un système. Elle n’est pas force de proposition ou de construction, mais elle est force de destruction. C’est pour cela que Mikhaïl Bakhtine (Ah bon? Tu connais pas?) associe l’auteur satirique au rire négatif, car ce n’est pas un rire nuancé qui vise à s’ouvrir aussi vers les choses bénéfiques du monde mais plutôt à se focaliser sur ce qui rend le monde moins bon.


« L’auteur satirique, qui ne connaît que le rire négatif, se place à l’extérieur de l’objet de sa raillerie tandis que […] la nature profonde du rire de Rabelais est d’exprimer la plénitude contradictoire de la vie, qui considère la négation de l’ancien comme une phase indispensable de l’affirmation, de la naissance de quelque chose de neuf et de meilleur ».


L’auteur satirique se désolidarise de ce qu’il décrit et ressemble plus à un ermite à la plume habile qu’à un homme proposant une vision créatrice du monde. Le rire de Rabelais, lui, est plus libre. Il joue sur les décalages et la surprise. Il est parfois satirique et parfois avantageux. C’est donc un rire contradictoire qui aborde le monde dans tout ce qu’il a à offrir, de bon ou de mauvais. Rabelais rigole du bon et du mauvais mais il s’émancipe malgré tout d’une vision manichéenne, car certains objets du rire de Rabelais (personnes, systèmes…), bien que traités de manière spécifique, bénéficient tout de même d’un traitement ambigu. Le monde n’est plus alors divisible en partie que l’on peut étiqueter bonnes ou mauvaises, sérieuses ou futiles, mais un ensemble composé de nuances et de dégradés. Ce regard holistique que porte Rabelais sur le monde est par conséquent indissociable du rire, parce que Rabelais montre en permanence le décalage entre une vision passéiste du monde et sa vision à lui, une vision plus progressiste qui accepte les contradictions, et qui accepte aussi de mettre en relation des sujets "élevés" et des sujets "populaires". Et le décalage (qui associe, par exemple, l'expérimentation empirique à un gamin de cinq ans qui prend tout ce qu'il a sous la main pour trouver le meilleure torche-cul) fait rire. Rabelais déconstruit ainsi les figures d’autorité qui aiment les contours bien nets et ont besoin de pierres solides pour tenir leurs temples en place. Rabelais s’y oppose, fragilise les bases, et se fait force de proposition en décrivant les choses du monde autant dans ce qu’elles ont de ridicule que dans ce qu’elles ont d’amusant, suggérant des idées et donnant au rire un sérieux pouvoir à la fois critique et créateur.


Parce que le gamin de cinq ans est peut-être ridicule à se torcher le cucul avec tout ce qui passe, mais n'empêche qu'à la fin, il trouve. Et c'est un «oyzon bien duveté, pourvu qu'on lui tienne la tête entre les jambes. Et croyez-le sur mon honneur. Car vous sentez au trou du cul une volupté mirifique, tant par la douceur de son duvet, que par la chaleur tempérée de l'oizon, laquelle facilement est communiquée au boyau culier et autres intestins, jusqu'à venir à la région du cœur et du cerveau ».

Vernon79
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le 21 févr. 2017

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