Gataca m'a procuré un plaisir semblable à ces films d'horreur hollywoodiens par lesquels je me laisse encore parfois tenter : le meilleur est au début, quand l'histoire se met en place et qu'on peut imaginer à partir du thème seulement et de quelques indices, un monde de péripéties à venir. Je sais que mes espoirs seront déçus mais j'y retourne quand même, pour ce moment-là, ce départ.
Le lecteur généreux ou l'éditeur enthousiaste décriront peut-être Gataca comme un récit "haletant", qui se "dévore d'un bout à l'autre", dans lequel "on plonge tête baissée". Il me semble que c'est exactement le contraire : car les ficelles sont trop grosses pour y croire bien longtemps. Je me suis plutôt trouvé devant Gataca comme à l'arrière d'un théâtre, à observer fasciné le roulement des poulies bien huilées du scénario, la tension des cordes cent fois maniées qui animent les personnages, le glissement souple des décors.
Thilliez nous aide beaucoup : à mi-chemin du récit, il a déjà tout révélé et nous apprendra plus rien que d'anecdotique. La deuxième partie ne sera que broderies sur le thème principal, récapitulatifs réguliers (jusqu'à la lassitude), martèlement du propos qui confine à l'absurde, si bien qu'on se croirait presque parfois devant un roman à thèse.
Le talent de l'auteur est grand car au-delà de tout cela je me suis attaché à l'histoire et d'une certaine façon aux personnages - comme on s'attache aux spectacles répétés devant nous et qui, malgré l'ennui qu'ils procurent nous deviennent familiers et à la longue, sympathiques.