J'avais une idée erronée de Gatsby le magnifique avant de le lire. Je me figurais qu'il s'agissait d'un homme dont la richesse, le faste et le charisme fascinaient tout le monde, je pensais que c'était simplement l'homme à qui tout réussit. La réalité est un peu plus complexe que cela.
D'abord, pour le monde, Gatsby est un fantôme, une créature bâtie à partir des fantasmes de ses invités qui ne l'ont jamais rencontré, jamais connu, et se contentent de consommer les fêtes qu'il organise. Puis la créature prend petit à petit forme humaine, grâce au regard du narrateur Nick Carraway qui deviendra en un été son ami le plus intime. Et alors que le mystère se délite, on constate avec plaisir que Gatsby n'est qu'un homme, un homme pour lequel on a de l'affection.
Ensuite, à travers son personnage principal, Gatsby le magnifique est un roman sur le rêve américain – mais pas, comme je l'aurais cru avant de le lire, sur le rêve américain accompli. Le rêve en tant que rêve, désirable mais inaccessible. Dans ce monde de richesse et de légèreté, le narrateur nous montre, avec un certain humour mais aussi avec poésie (le style est d'ailleurs une franche réussite*), que rien n'est jamais parfait, que même lorsque l'on semble tout avoir il nous manque toujours quelque chose, que même lorsqu'on est promis à un grand avenir on est toujours rattrapé par le passé. Ainsi est Gatsby, que l'on quitte avec mélancolie, connu de personne sauf de Nick Carraway :
"Gatsby croyait en la lumière verte, en l'avenir orgastique qui, d'année en année, recule devant nous. Il nous a échappé cette fois? Peu importe... Demain, nous courrons plus vite, nous tendrons les bras plus loin. Et un beau matin..."
Mais ce matin ne viendra jamais.
*Je me base sur la traduction de Phillipe Jaworski. Sans pouvoir juger de sa fidélité à l'œuvre originale, j'ai trouvé le résultat très réussi.