Mon cher Gatsby,
Cette lettre ne te parviendra sans doute jamais, mais à cœur vaillant rien d’impossible.
Il est loin à présent ce temps où West Egg vivait au rythme de ces nuits folles passées dans ta demeure dont la renommée était telle que tes réceptions réussissaient à faire débarquer ces snobinards d’East Egg. Lorsque j’y repense, je t’imagine guetter discrètement, mais nerveusement, l’arrivée d’une personne en particulier. Cette bien-aimée que tu n’avais pas revu depuis cinq longues années, mais qui à tes yeux comptait toujours autant.
Je te jure que j’y croyais, moi, à ton histoire d’amour. Tu aimais tendrement Daisy, je ne puis en douter. Elle t’aimait en retour assurément. Mais le temps adoucit tout, y compris l’amour, et la nostalgie de cet amour perdu ne semblait pas autant partagée que tu te le figurais.
Tu t’étais hissé par ta persévérance des fermes du Dakota aux salons New-Yorkais. Ton ascension fulgurante t’a donné la folie des grandeurs. Celle de faire partie des mondains, sans comprendre que ces gens-là ne te laisseraient pas faire. Ne voyais-tu pas, toi qui étais si malin, la tragique fin qui te tendait les bras ? Pensais-tu que ton argent, tes médailles et tes soirées arriveraient à bousculer l’ordre établi ? Je ne puis croire que tu étais naïf à ce point.
La folie des hommes t’a laissé crever, flottant dans ta piscine au milieu des feuilles mortes. La perfidie des hommes a armé le bras de ce pauvre bougre pour venir te remettre à ta place, la tête sous l’eau.
« C'est ainsi que nous avançons, barques luttant contre un courant qui nous rejette sans cesse vers le passé »
Notre amitié n’aura duré qu’un été.
A la prochaine cher vieux.
Nick