Avant même de commencer la lecture de Dublinois, écrit par James Joyce et publié en 1914, je fus résolu à écrire une critique.
Je voulus tout d’abord l’intituler « on ne nait pas irlandais mais on le devient ». Cela fut une grande erreur. En effet, ayant vécu à Dublin, j’eus voulu me considérer à moitié irlandais.
Et pourtant, plus ma lecture avançait et plus je compris qu’on ne pouvait pas devenir irlandais ; on l’est dès la naissance.
En effet, James Joyce nous narre ici ce pays si singulier, et met l’accent sur les vies de la bourgeoise irlandaise. Une vie d’un temps passé ?
On pourrait penser que ce Dublin de fin XIXème est si différent du Dublin que j’ai pu connaître en ce début de XXIème siècle. Il n’en est pourtant rien. Les rites et traditions décrites par Joyce sont encore très présentes dans la société dublinoise actuelle. Comment ne pas être intrigué lors du Ash Wednesday de voir ces personnes, de toutes origines sociales, arborer fièrement sur leur front la marque du premier jour du carême. C’est cette préséance du spirituel sur le temporel que nous décrit Joyce. Ce lien indéfectible unissant les irlandais à la religion n’est que l’un des nombreux parallèles entre hier et aujourd’hui gravé par Joyce dans ses nouvelles.
Evidemment, si l’on décide de voyager à travers l’Irlande allant découvrir de petites villes ou même si l’on s’éloigne un peu du grand Dublin ; on remarque que la vie n’a pas changé dans ces campagnes verdoyantes. Les thèmes restent les mêmes. Mais nul besoin de quitter Baile Átha Cliath pour retrouver cette atmosphère. A la manière d’un naturaliste, Joyce fait vivre Dublin sous nos yeux par ses habitants, ses lieux. Des récits si simples, si quotidiens, si réels. Quel plaisir de descendre Grafton Street, de longer la Liffey, de parcourir St Stephen's Green tout cela après être passé devant Trinity College
A travers Lenehan, Little Chandler et bien d’autres, c’est l’activité humaine dans sa plus grande banalité qui nous est révélée.
Bien que les conditions de vie de certains quartiers soient aujourd’hui si différentes. Le quartier des affaires, par exemple, situé sur les docks, siège de nombreuses multinationales a remplacé les hangars.
Si le cœur de la ville a lui bien changé. Il n’est plus le même que celui décrit dans le livre. Ce cher et malpropre Dublin avec ses us et coutumes, ses habitants vivant au jour le jour, empreints de religion, de traditions familiales et entourés de malheurs. Cette amitié si fraternelle qui les unissait autour d’une bière brune. Ce mode de vie si singulier qui entourait la bourgeoisie irlandaise s'est transformé et a laissé place à une population cosmopolite. Ces quartiers devenus touristiques ont perdu l'essence contenu dans Dubliners. Il faut s'éloigner de ce centre historique pour retrouver la magie de Joyce.
Il faut se rapprocher de ces beaux quartiers du quatrième arrondissement, au milieu des ambassades et des vieilles familles dublinoises. Au milieu de cette bourgeoisie irlandaise aux vies pathétiques et dont les histoires se croisent avec celles de Joyce. Une micro-ville où ces Gens de Dublin continuent à vivre avec les mêmes préoccupations du siècle passé.
Ces Gens de Dublin qui comme chez Joyce donnent à la religion un pan de leur âme, de leur histoire.
Ces Gens de Dublin qui comme chez Joyce donnent à la mort un pan de leur âme, de leur histoire.
Ces Gens de Dublin qui comme chez Joyce donnent à la famille un pan de leur âme, de leur histoire.
Oui, comme chez Joyce, chaque journée en terre dublinoise provoque du rire, des larmes, de l’émotion et de la nostalgie. Chaque journée nous donne de la pluie ; sans jamais cependant oublier de faire poindre quelques rayons de soleil.
Alors oui définitivement, on ne devient pas irlandais, on nait irlandais et Joyce a réussi à faire de son Dubliners un recueil de nouvelles intemporelles.
Des histoires comme certains Dublinois peuvent encore en vivre aujourd’hui.