Pauvre Georges Dandin...

Qu'est-ce que Georges Dandin ? Est-ce plutôt une comédie ou une tragédie ? Si la réponse semble simple de prime abord ("comédie bien sûr, c'est une pièce de Molière et pas de Racine !"), c'est plus compliqué dans les faits... Et c'est là que se situe toute la subtilité, selon moi, de la pièce.

Georges Dandin, c'est l'histoire du paysan riche éponyme qui épouse une jeune fille noble, mariage avantageux pour la famille d'Angélique, ruinée ; cependant, notre riche paysan, malgré l'acquisition d'un titre de noblesse tout à fait ridicule (Monsieur de la Dandinière), reste un parvenu aux yeux de la belle Angélique, qui se refuse à se comporter en femme vertueuse, et se laisse courtiser par Clitandre, un gentilhomme. Les deux jeunes gens ne se privent pas par la suite d'humilier Georges Dandin avec une certaine ingéniosité, et la pièce finit sur le constat alarmant du héros : il veut se jeter à l'eau, désespéré d'avoir une si méchante femme et de n'y pouvoir rien.
Georges Dandin n'est pourtant pas si bête, il est plutôt lucide et permet, par le contraste avec la noblesse, de souligner les ridicules de cette dernière - après tout, n'est-il pas légitime pour lui de s'insurger ? Dans la perspective du couple XVIIe siècle et même dans une perspective plus contemporaine, puisque bon, sa femme refuse quand même d'accomplir son "devoir" conjugal, pour le dire joliment.
D'un autre côté, Angélique incarne le panégyrique de la liberté féminine, c'est un fait, et il y a une très belle tirade qui rappelle de manière évidente l'éloge paradoxal de Dom Juan sur l'inconstance : un écho qui fait saliver et qui nous parle très bien, à nous autres tard-venus (Heidegger coucou), dans l'affirmation que le mariage forcé n'engage pas l'autre à obéir, à mourir au monde, à se plier face contre terre.

Finalement, on ne parvient pas trop à prendre parti. Une légère pitié pour Georges Dandin, une sympathie pour la défense d'Angélique, mais en soi les personnages ne sont pas vraiment sympathiques - excepté peut-être Lubin, le valet de Clitandre, qui est assez drôle (car idiot) et m'a inspirée pour ma kholle de philo (si si). Ainsi, difficile de trancher entre comédie et tragédie, j'opte personnellement plutôt pour la dernière alternative.
Une oeuvre un peu délaissée aujourd'hui, malgré son peu de longueur et son intérêt... A redécouvrir.