Que dire de Monsieur Georges Bernanos ?

Sans doute, grâce à cette sublime biographie, que sa vie est aussi passionnante que son œuvre.

Dans une lettre à un de ses nombreux amis, il confesse se voir comme un aventurier, un vagabond, qui avance loin dans l'obscurité malgré ses angoisses.

Aventurier et vagabond, qui traine sa famille (sa "tribu") du sud de la France à la campagne brésilienne en passant par l'Espagne, s'installant aussi bien dans de sombres taudis sans fenêtres, des fermes ou des châteaux perdus. Il ne s'arrête jamais tout en étant fidèle jusqu'au bout à ses idées au prix d'énormes contradictions qui fait de lui l'éternel inclassable : monarchiste, catholique, drumontiste, parmi les premiers soutiens du général de Gaulle à la critique ferme de l'épuration et aux "joies" de l'après-guerre, du capitalisme, du machinisme taré, du marxisme.

Toute sa vie est marquée autant par l'angoisse existentielle que la souffrance physique et morale, de l'expérience traumatisante de la grande guerre. En considérant cela, on comprend pourquoi ses livres résonnent autant, sont aussi frappants, fulgurants, scandaleux parfois. Il veut s'aventurer dans les affres mais souhaite rester simple et vivre pauvrement, refuse plusieurs fois les distinctions civiles et un siège à l'académie française répugnant la société littéraire composée d'hypocrites et de tièdes.

Si lui est fidèle, ses amis ainsi que sa famille lui rendent bien au prix de le suivre dans ses aventures et ses prises de position, et toujours entouré malgré la solitude.

Il souffre mais il avance, il veut aller jusqu'au bout et utilise son crayon et sa feuille, installé dans le café du coin ou dans un train, pour témoigner au monde ce qu'il voit : le mal omniprésent, la sombre direction du monde, les fantômes de la guerre, les âmes tourmentées, et, lorsqu'il est trop fatigué, ses refuges : la sainteté, l'enfance, le Christ.

Si Georges Bernanos veut témoigner, sa vie témoigne pour lui, qu'une cruelle lucidité, que l'angoisse, n'empêche pas de vivre avec panache et courage.

Si les écrits d'un auteur témoignent bien de leurs préoccupations profondes, me représenter Georges Bernanos heureux comme un gosse fendant le désert tunisien sur sa moto au crépuscule de sa vie me procure personnellement un large sourire jusqu'aux crampes.

mathisblm
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 25 sept. 2023

Critique lue 18 fois

2 j'aime

Mathis

Écrit par

Critique lue 18 fois

2

Du même critique

Électre
mathisblm
7

Attendre Oreste

Simone Weil voyait dans cette tragédie de Sophocle un amour implicite de Dieu. Si le mythe d'Oreste a été repris par tous les grands tragiques, Sophocle s'attarde sur sa sœur, Electre, qui ne renonce...

le 31 mai 2024

1 j'aime

Monsieur Ouine
mathisblm
9

La boue et la grâce

Je pense que l'on entre dans cet ouvrage comme l'on entrerait dans une église de village. Un endroit sombre où règne une atmosphère froide et peu accueillante, dans lequel se mêlent trop de symboles...

le 2 sept. 2024

1 j'aime

La Joie
mathisblm
9

"une foudroyante simplicité"

Dans l'espace médiatique, intellectuels et politiques justifient allégrement et sans honte une guerre dont ils ne connaîtront ni la boue ni le sang ainsi qu'une pluie de bombes sur une population...

le 22 avr. 2024

1 j'aime