Germinal
7.4
Germinal

livre de Émile Zola (1885)

Ce qu'Elizabeth Gaskell a cherché à dénoncer dans "Nord et Sud", ce que Victor Hugo a supérieurement développé dans un contexte politique et historique dans "Les misérables", cette condition humaine soumise à la société capitaliste, Emile Zola nous la livre ici crûment, animé de sa verve naturaliste sans égale.


Comment ne pas crier au chef-d'oeuvre ? Rarement un roman m'aura autant chaviré le cœur et l'âme. Noir comme la suie, rude comme la houille, plombé comme le ciel du Nord, sauvage comme l'insurrection, "Germinal" est un concentré extraordinaire d'énergies en conflit.


On pourrait passer des heures à disséquer ce grand roman, il y a beaucoup à dire sur ses dimensions sociale, politique, humaine, sans compter la qualité d'écriture. Je ne me lancerai pas dans cette passionnante dissertation, je me contenterai de braquer le projecteur sur ce qui m'a le plus saisie au long de ma lecture : la violence.


"Germinal" est sans doute le tome des Rougon-Macquart le plus violent - surpassant même "L'argent" qui se défend pourtant bien. La violence est omniprésente dans chaque paragraphe, dans chaque phrase. Physique, psychologique ou sociale, elle englue tous les personnages sans exception, elle distille dans les veines une peur qui m'a plus d'une fois étranglée d'un malaise. Je pense que j'aurai encore longtemps présente à l'esprit la vision de l'épicier Maigrat châtré par les femmes de mineurs humiliées et affamées ; ou encore celle de Catherine mourant de faim à 500m sous terre, dans l'obscurité complète, de l'eau jusqu'aux genoux, enterrée vivante pendant plus de dix jours. Une telle oppression se dégage de la narration que le lecteur ne peut rester indifférent à la misère de ces existences obscures qui peuplent le coron de Montsou.


En plus du style caractéristique de Zola que j'apprécie depuis toujours, j'ai été admirative de la construction remarquable du récit. De l'ouverture où Etienne Lantier arrive solitaire par la route à sa conclusion où le même Etienne Lantier repart solitaire par la même route, le coup de projecteur sur la condition ouvrière est complet, précis, vivant et émouvant, rien ne semble y manquer.


Le douloureux "Germinal" s'achève sur le mot "terre", semblant m'appeler à découvrir sans tarder le 15ème tome de la série et sonnant comme l'annonce d'une autre grande commotion.

Gwen21
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Challenge BBC (sans limite de temps), Challenge PAVES 2016 - 2017, 2017 et Challenge XIXème siècle 2017

Créée

le 17 mars 2017

Critique lue 3.2K fois

14 j'aime

5 commentaires

Gwen21

Écrit par

Critique lue 3.2K fois

14
5

D'autres avis sur Germinal

Germinal
Nectanobé
8

"Votre haine des bourgeois vient de votre besoin enragé d’être des bourgeois à leur place"

Dans ce treizième tome de la série Rougon-Macquart, Zola s'emploie à dépeindre la condition des mineurs dans cette seconde moitié de siècle. Que dire si ce n'est que la misère, l'indigence, la...

le 23 déc. 2015

16 j'aime

4

Germinal
Gwen21
10

Critique de Germinal par Gwen21

Ce qu'Elizabeth Gaskell a cherché à dénoncer dans "Nord et Sud", ce que Victor Hugo a supérieurement développé dans un contexte politique et historique dans "Les misérables", cette condition humaine...

le 17 mars 2017

14 j'aime

5

Germinal
Shaman
2

Critique de Germinal par Shaman

Tout est petit chez Zola. J'ai beau parcourir ces lignes, aucune trace de grandeur ne vient perturber cette diarrhée prosaïque. Diarrhée, le mot est juste, Zola n'écrit que sur la merde, c'est là son...

le 28 déc. 2012

13 j'aime

13

Du même critique

La Horde du contrevent
Gwen21
3

Critique de La Horde du contrevent par Gwen21

Comme je déteste interrompre une lecture avant le dénouement, c'est forcément un peu avec la mort dans l'âme que j'abandonne celle de "La Horde du Contrevent" à la page 491 (sur 701). Pourquoi...

le 1 janv. 2014

66 j'aime

24

La Nuit des temps
Gwen21
10

Critique de La Nuit des temps par Gwen21

Je viens d'achever la lecture de ce petit livre qu'on me décrivait comme l'un des dix livres de science-fiction à lire dans sa vie sous peine de mourir idiot. Je viens d'achever la lecture de ce...

le 15 sept. 2013

54 j'aime

10

La Disparition de Stephanie Mailer
Gwen21
1

Critique de La Disparition de Stephanie Mailer par Gwen21

Jusqu'à présent, de Joël Dicker, je ne connaissais rien ou plutôt pas grand chose, c'est-à-dire le nom de son premier roman "La vérité sur l'affaire Harry Quebert". Depuis cette parution...

le 22 mai 2018

32 j'aime

8